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Électricité : Le plan d’Abi Khalil approuvé « en principe » par le gouvernement

Philippe HAGE BOUTROS

Près de sept ans après l’adoption du plan global pour l’énergie lancé par l’ancien ministre Gebran Bassil, qui promettait du courant 24 heures sur 24 dès 2015, et après des semaines de débats politiques sur une éventuelle privatisation du secteur, le gouvernement s’est attaqué hier à l’épineux dossier de l’amélioration de la production électrique. Réuni à Baabda sous la présidence du président de la République Michel Aoun, le Conseil des ministres a adopté les grandes lignes du plan élaboré dans ce but par le ministre de l’Énergie et de l’Eau, César Abi Khalil.
« Le plan a été adopté en principe et ses détails seront présentés par la suite », a déclaré à la presse le ministre de l’Information, Melhem Riachi, ajoutant que ses modalités d’exécution devraient être présentées la semaine prochaine par M. Abi Khalil lors d’une conférence de presse. « Le plan n’a pas été adopté tel quel et ses modalités de mise en œuvre seront examinées au fur et mesure par le Conseil des ministres lors de prochaines réunions », a confirmé à L’Orient-Le Jour le ministre de la Santé publique et vice-président du Conseil, Ghassan Hasbani.

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Constat d’échec
Ce plan – dont L’Orient-Le Jour a pu consulter la mouture initiale – revendique une continuité avec celui de Gebran Bassil, dont M. Abi Khalil a été le conseiller à l’époque. Pour rappel, le plan Bassil prévoyait notamment, moyennant des investissements publics et privés de 4,87 milliards de dollars, d’augmenter la capacité de production du pays de plus de 150 %, à 5 000 MW en 2015. Partant du constat de l’échec de cet objectif, qu’il attribue à des « obstacles » et des « lacunes » ayant empêché la mise en œuvre de l’intégralité du plan Bassil, le ministre de l’Énergie propose d’actualiser certaines pistes prévues par ce dernier dans une nouvelle stratégie en cinq axes, afin de pouvoir « combler ce déficit (de production) dans les délais nécessaires. »
Le premier axe du plan présenté hier propose une réponse à court terme à cette problématique avec la location de navires-centrales supplémentaires. Selon le ministère, cette solution est justifiée par la nécessité d’augmenter la production d’ici à l’été. Une période où la demande atteint son pic et peut dépasser les 3 000 MW. Une période en outre pendant laquelle seraient attendus « plus de 1,5 million de touristes », qui s’ajouteraient au même nombre de réfugiés syriens dont la demande représente déjà 486 MW à elle seule, selon une étude présentée fin février par le ministère et le PNUD.
Le plan prévoit donc de « louer courant 2017 deux navires-centrales supplémentaires à la société Karadeniz Powership (KP) » qui seront amarrés près des centrales électriques de Deir Ammar (Liban-Nord) en mai et de Zahrani (Liban-Sud) en août, pour produire 825 MW supplémentaires pendant cinq ans. Selon le ministère, la mise en service de ces deux navires permettra « d’augmenter la capacité de production du pays de 42,5 %, soit environ 7 heures de courant supplémentaires par jour ». Selon le document, ils s’ajouteront aux 272 MW supplémentaires apportés par la mise en service des nouveaux moteurs inversés installés dans les centrales de Zouk et Jiyeh, prévue incessamment après des années de report.
Selon le ministère, le coût annuel pour opérer ces deux navires – carburants compris – sera de 848,2 millions de dollars par an. Le prix du kilowatt/heure (kWh) est fixé à 5,80 dollars contre 5,85 dollars actuellement pour l’électricité produite par le Orhan Bey et le Fatmagül Sultan, les deux navires que le Liban loue actuellement à KP pour produire 370 MW et dont le contrat arrive à échéance mi-2018. Le ministère ajoute par ailleurs que le Liban devra « progressivement abandonner les navires » estimant qu’au regard de l’ancienneté des installations actuelles, il faudra construire 8 nouvelles centrales d’une puissance de 500MW chacune d’ici à 2027.
Cependant, si le recours à cette solution d’urgence a été approuvé, le choix de contracter directement avec KP a été contesté par plusieurs ministres. « Nous avons demandé au ministre de l’Énergie de préparer un cahier des charges dans moins d’un mois afin d’être en mesure de confier le marché public d’ici au début de l’été », a affirmé M. Hasbani. Le gouvernement a enfin demandé que ce soit « la société remportant l’appel d’offres, et non l’État comme le suggérait le ministère de l’Énergie, qui assume les frais liés au décalage entre la mise en service des navires et le recouvrement des premières factures, a dit à L’Orient-Le Jour le ministre d’État à la Planification, Michel Pharaon.

 

Appels d’offres
Plus généralement, « le Conseil des ministres a refusé toutes les sociétés recommandées par le ministère de l’Énergie pour chacun des axes présentés », a indiqué M. Pharaon, qui précise que ces contrats devraient à chaque fois être attribués par appels d’offres.
D’autant que les autres axes du plan se situent à plus long terme. Le deuxième consiste à confier la construction de centrales totalisant 1 000 MW à des opérateurs privés qui revendront leur électricité à EDL, selon le mécanisme par la loi 288 d’avril 2014 qui autorise le gouvernement à délivrer pendant deux ans (un délai prolongé jusqu’à avril 2018 en 2015) des licences de production. Dans son plan, le ministère de l’Énergie préconise notamment de privilégier les centrales à cycles combinés, qui fonctionnent au fioul et au gaz et qui ont un meilleur rendement que les centrales classiques. Le plan cite une étude réalisée par le cabinet britannique Mott Mac Donald qui a identifié 9 sites pouvant accueillir ces installations, les meilleurs étant à Damour (Mont-Liban), Zahrani (Liban-Sud) et Selaata (Liban-Nord).
Pour faciliter le fonctionnement des centrales à cycles combinés, le troisième axe du plan présenté hier reprend une autre piste du plan Bassil – jamais mise en œuvre depuis – avec la construction de trois unités flottantes de stockage et de transformation du gaz liquéfié importé (Floating Storage and Regazification Unit ; FSRU en anglais). Installées à Selaata, Zahrani et Deir Ammar, ces FRSU seront reliées par des gazoducs aux centrales les plus proches, pour une enveloppe totale de 199 millions de dollars.

 

Hausse des tarifs
La quatrième proposition s’inscrit dans la lignée du plan quinquennal pour développer les énergies renouvelables présenté en janvier dernier et vise à porter la part des celles-ci à 12 % de la demande d’électricité en 2020 à travers différents projets. Le plan présenté hier se concentre, lui, sur l’énergie solaire et prévoit la construction de centrales photovoltaïques pouvant déployer 1 000 MW, un chantier qui pourra être réalisé « en 18 à 24 mois », selon le ministère.
Enfin, la dernière proposition suggère d’augmenter les tarifs pratiqués par EDL pour lui permettre de supporter les coûts liés à l’augmentation de la production. Le plan du ministère prévoit d’appliquer une augmentation moyenne de « 42,5 % à partir du 1er juillet prochain ». Pour rappel, cette hausse, déjà prévue par le plan Bassil, a fait l’objet d’une étude approuvée en juin 2016 par le conseil d’administration d’EDL et relayée dans les médias, provoquant l’indignation de ses abonnés. « La hausse des tarifs d’EDL sera progressive et coïncidera avec la baisse des heures de rationnement et donc des factures de générateurs », a assuré M. Hasbani, reprenant à son compte l’argument de son collègue de l’Énergie. Mais, là encore, l’ampleur et la date d’entrée en vigueur de cette mesure dépendront de discussions ultérieures au sein du gouvernement.