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Raï : La loi de 1960 est toujours en vigueur

 

Fady NOUN 

Passée la grande peur d’une cassure politique et confessionnelle aux conséquences redoutables provoquée par la décision de faire avaliser par le Parlement une prorogation d’un an de la législature, le Liban a repris son souffle hier, ce qui lui permis de faire des adieux pacifiques à Samir Frangié, l’homme du vivre-ensemble, dont les obsèques se sont déroulées en l’église Saint-Maron, à Gemmayzé, à deux pas de cette place des Martyrs, rebaptisée « place de la Liberté » où les Libanais, en partie sous son impulsion, s’étaient (presque) unifiés le 14 mars 2005. Que va-t-il se passer maintenant que la session parlementaire a été reportée d’un mois, en vertu de l’article 59 de la Constitution, exceptionnellement invoqué par le chef de l’État ?

Se rangeant parmi les « réalistes », le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, interrogé hier au cours de l’émission-phare de la LBCI, « Kalam el-Nass », n’a pas caché ses craintes que ce qui ne s’est pas fait depuis 2006 et la formation de la commission Fouad Boutros ne se fasse pas non plus au cours du délai ainsi gagné.
Le chef de l’Église maronite s’est montré particulièrement dur pour la classe politique, et sceptique sur « les chances d’édification de l’État de droit » dans les circonstances actuelles, marquées par l’égoïsme politique le plus absolu, un clientélisme effréné et une corruption rampante « qui empêche toute allégeance à l’État » et décourage les investisseurs de bonne volonté.
« Qu’on ne m’accuse pas de changer d’avis, a lancé le patriarche maronite. Comme tout le monde, je souhaite une nouvelle loi électorale, mais en l’absence d’un accord sur ce point, la loi électorale de 1960 est toujours en vigueur ! Seule une loi peut abolir une autre loi. » Et de s’élever avec fermeté contre toute volonté de prorogation du mandat de la Chambre des députés actuelle, déjà prorogé à deux reprises. « Nous pensons que ce serait rien moins qu’une usurpation de l’autorité, et nous ne resterons pas les bras croisés si cela se produit », a averti le patriarche, qui a refusé de préciser sa pensée, arguant de la nécessité de consulter d’abord l’Assemblée des évêques maronites.

Notons que le patriarche Raï a présidé hier la messe du jeudi saint à la prison de Roumieh. Il en a profité pour demander que les prisons du Liban deviennent « des espaces de réhabilitation ». Il a plaidé en particulier pour le démantèlement des gangs qui sévissent à l’intérieur des prisons et soumettent à leur loi les autres prisonniers, se livrent à toutes sortes de trafics, et passent même des jugements à l’encontre d’autres prisonniers.

Le dialogue indirect
Sur le plan politique général, sinon de nouvelles promesses émanant du chef de l’État, on assiste au même lamentable dialogue indirect entre le secrétaire général du CPL, Gebran Bassil, et le chef du PSP, Walid Joumblatt. M. Bassil n’a rien trouvé de moins offensant que de qualifier de « Judas », symbole par excellence du « traître », tous ceux « qui allaient livrer les Libanais à la prorogation, n’était la décision de report de la session parlementaire ».

Moins personnel dans l’art de l’insulte, M. Joumblatt a pour sa part flairé de l’apartheid dans le projet d’habilitation au premier tour de M. Bassil, ce qui ne signifie pas qu’il a nécessairement raison. Les Marada, pour leur part, ont rejeté le projet Bassil, qu’ils accusent « de manœuvrer dans la perspective de la prochaine élection présidentielle ».
Sensible au climat de discorde confessionnelle des derniers jours, le Premier ministre a lancé un appel général demandant aux Libanais de l’aider à épargner au pays un nouveau 13 avril. Étions-nous donc à la veille d’une discorde ? Se rangera-t-on à l’avis du patriarche maronite et amendera-t-on la loi électorale actuelle dans le sens d’une plus juste répartition des sièges chrétiens ? Nous en aurons le cœur net après la pause traditionnelle des fêtes pascales.

Au demeurant, la loi électorale en vigueur n’est pas parfaite. C’est ainsi que le patriarche syriaque-catholique, Mgr Ignace Joseph III Younan, a appelé, hier, dans son message pascal à l’adoption d’une loi électorale « juste et représentative », invitant les autorités à ajouter deux sièges chrétiens au Parlement, l’un pour les syriaques-catholiques et l’autre pour les syriaques-orthodoxes. « Le Liban est au centre de l’attention de tous les chrétiens d’Orient et nous refusons la marginalisation politique de la communauté syriaque », a-t-il dit.

Réédition de Nahr el-Bared ?
L’autre grande question que soulève l’actualité a trait à la situation militaire dans le camp de Aïn el-Héloué, le plus grand camp palestinien du Liban. Le commandant en chef de l’armée a effectué une tournée d’inspection des dispositions militaires prises pour empêcher qu’il ne soit infiltré, dans les deux sens, par des combattants jihadistes. Objectif: étouffer dans l’œuf l’état insurrectionnel représenté par le groupe Bilal Badre et la réédition d’un second Nahr el-Bared.

Notons pour finir que la Sûreté générale est parvenue hier à arrêter Jalal Mansour, recherché en vertu de plus de 40 mandats d’arrêt et condamné à perpétuité par contumace. Selon la Sûreté générale, Jalal Mansour a avoué appartenir au groupe de Chadi Mawlaoui, qui se cache à Aïn el-Héloué.