IMLebanon

Machnouk annule deux rassemblements, l’un pour et l’autre contre l’armée

 

Ornella ANTAR |

En interdisant officiellement hier deux manifestations, l’une dirigée contre l’armée et l’autre en signe d’appui aux forces régulières, prévues toutes les deux pour demain mardi, au centre-ville, le ministre de l’Intérieur Nouhad Machnouk a probablement épargné au pays un risque de dérapage.
Le Forum socialiste, une organisation politique libanaise, voulait observer demain soir un sit-in, place Samir Kassir, en signe de solidarité avec les réfugiés syriens. Mais à l’heure où la classe politique est divisée quant aux modalités d’un retour des réfugiés dans des zones sûres en Syrie et où les Nations unies semblent être sur une longueur d’onde différente, l’appel à manifester « contre le racisme et le discours de haine » a fini par prendre une dimension dangereuse.
Une page créée par un groupe occulte sur Facebook, « L’Union du peuple syrien au Liban », qui compte plus de 14 000 followers, a repris à son compte l’événement organisé par le Forum socialiste, appelant à un rassemblement « pour revendiquer nos droits légaux et légitimes ». Il n’en fallait pas plus pour que les réseaux sociaux s’enflamment et que des échanges d’une violence et d’une grossièreté inouïes occupent les espaces dédiés au débat : des propos haineux contre l’armée libanaise, des insultes adressées au peuple libanais ont entraîné des répliques sur le même ton.
Face à ce dérapage, le Forum socialiste s’est empressé hier d’annuler le rassemblement de demain, d’autant que des partisans de l’armée voulaient organiser un contre-rassemblement à la même heure et au même endroit. Il s’agit, dit-on, des parents et des familles des militaires assassinés ou otages de Daech, soutenus notamment par l’ancien ministre Wi’am Wahhab sur son compte Twitter. Joint au téléphone par L’Orient-Le Jour, Hussein Youssef, président du comité des familles des militaires enlevés par l’État islamique, a démenti cependant ces informations.
Le sit-in contre l’armée a été cependant maintenu par « L’Union du peuple syrien ». Dans son communiqué, le Forum socialiste a mis les points sur les i, s’efforçant de démentir les accusations qui lui ont été adressées. « Nous n’avons jamais voulu manifester contre l’armée. Nous voulions au contraire souder les relations libano-syriennes. Nous avions déjà publié un communiqué pour réclamer, entre autres, une enquête sérieuse et transparente autour des circonstances du décès des quatre détenus syriens », morts après leur arrestation dans le sillage de l’opération militaire dans un camp de réfugiés de Ersal, il y a deux semaines, selon le texte qui précise que le rassemblement a été annulé « à cause de la campagne de provocation menée sur Facebook par un groupe occulte » et « parce que certains de nos membres ont reçu des menaces de ces gens ». Le Forum a accusé certains services de renseignements d’avoir créé cette page.
Interrogé par L’OLJ, Hani Adada, membre de l’organisation, a assuré que « l’objectif du rassemblement était d’afficher notre soutien aux réfugiés syriens et n’avait rien à voir avec l’armée libanaise ». Interrogé au sujet du timing, il a précisé que « ce n’est pas le premier qu’ils organisent en solidarité avec les réfugiés pour dénoncer le racisme dont ils sont victimes ».
« Ce qui diffère cette fois-ci, c’est cette page sur Facebook qui s’est appropriée l’événement afin de lui donner des objectifs auxquels nous n’avions aucunement pensé », a-t-il expliqué. Selon lui, la page Facebook, gérée par des inconnus, a bloqué tous ceux qui lui ont envoyé des messages demandant de savoir qui la dirige. M. Adada a estimé qu’ « un appareil sécuritaire serait impliqué dans l’affaire de l’appropriation du sit-in par ce compte pour servir certains intérêts, comme obtenir le retour le plus tôt possible des réfugiés en Syrie ». Il a par ailleurs dénoncé la publication sur les réseaux sociaux de la demande d’autorisation de manifester obtenue par le mohafez de Beyrouth, sur laquelle figure les noms et les numéros de téléphone de trois membres du Forum. « Nous recourrons à la justice au cas où l’une de ces personnes serait importunée », a menacé M. Adada.