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Le Hezbollah aurait reconquis 64 % du jurd libanais occupé par les jihadistes

 

Jeanine JALKH 

C’est près de 64 % du territoire libanais s’étendant dans le jurd de Ersal que le Hezbollah aurait reconquis à ce jour des mains de Tahrir al-Cham (ancien Front al-Nosra) et de quelques groupuscules de l’opposition syrienne. Ce chiffre a été diffusé hier par le « média de guerre », un service mis en place conjointement par le Hezbollah et l’armée syrienne et que la presse, interdite de s’approcher des zones des combats, peut difficilement vérifier.
Selon des informations obtenues auprès d’un habitant de Ersal qui connaît bien la région où se déroulent les combats, le Hezbollah, qui mène l’offensive contre Tahrir al-Cham depuis trois jours, « a certes effectué des percées, en tous les cas plus rapidement que prévu, mais n’a certainement pas pu reprendre les deux tiers du territoire en si peu de temps ».
Cet habitant est convaincu que ces données optimistes relèvent de la guerre psychologique, soulignant que la région des combats est des plus « difficiles du fait de la géographie escarpée des lieux ». C’est également l’avis d’un ancien officier de l’armée qui croit savoir que le terrain des combats est tellement ardu qu’il est difficile de croire que les zones récupérées en 72 heures soient aussi vastes.
Quoi qu’il en soit, le département d’information militaire (le «média de guerre»), qui distille les nouvelles en ligne minute par minute, vidéos et cartes à l’appui, a annoncé hier que le fief de Fateh al-Cham, le secteur de Wadi el-Khayl et Kassarat, sont tombés en début de soirée suite à une avancée rapide des troupes du Hezbollah. Toujours selon ce média, le bilan s’élèverait à l’issue du troisième jour de combats à 46 morts et des dizaines de blessés dans les rangs de Fateh al-Cham, dans le jurd de Ersal. De source proche des services de sécurité libanais, on faisait état samedi, selon Reuters, d’un bilan de 43 rebelles et de 15 combattants du Hezbollah tués depuis vendredi.
Le Hezbollah aurait également pris le contrôle de Tallet Wadi el-Oueini, une falaise « stratégique » qui servait à Fateh al-Cham de lieu central où le groupe islamiste confectionnait, à l’intérieur des grottes, les charges explosives. En saisissant cette localité, les combattants du parti chiite auraient ainsi réussi à couper les voies d’approvisionnement aux jihadistes se trouvant dans les régions non encore conquises. Les combattants du parti chiite se seraient également imposés sur les hauteurs de Chaabat el-Qalaa, une autre cime stratégique. Située à 2 350 mètres d’altitude, cette position surplombe Wadi el-Deb et Wadi el-Rihan qui seraient désormais sous le feu des combattants du parti chiite. Ces derniers seraient aussi entrés au siège des opérations de Fateh al-Cham, à l’est du jurd de Ersal.
Selon les analystes interrogés, la bataille vise pour l’instant les combattants de l’ancien front de Fateh al-Cham principalement. Selon une source militaire informée, les effectifs de cette formation « constituent près de 70% de l’ensemble des jihadistes », le reste étant principalement constitué du groupe relevant de l’État islamique (Daëch) contre lequel la bataille n’a toujours pas commencé.
« Une fois les éléments de Fateh al-Cham vaincus, on peut alors considérer la bataille presque terminée », indique l’expert qui croit savoir qu’il faudra tout de même « près d’un mois » pour en finir avec l’ensemble des factions radicales.

Un humaniste tué en mission
Alors que la bataille continuait de gronder, un humaniste, l’ancien vice-président de la municipalité de Ersal, Ahmad Fliti, chargé officiellement d’une médiation entre les combattants d’al-Nosra et l’État libanais pour tenter de sécuriser l’accès à Ersal des civils syriens se trouvant près des zones de combats, est mort samedi en cours de mission. Ayant atteint la localité de Wadi Hmayed, le médiateur, qui était accompagné de Fayez Fliti, a trouvé la mort des suites de ses blessures, lorsqu’une roquette a percuté son véhicule. Fayez, lui, a été amputé de la jambe.
Au même moment, le « département d’information militaire » annonçait « avoir atteint d’un missile un véhicule » dans la même région, « occasionnant des morts et des blessés ».
L’armée libanaise a pour sa part publié un communiqué dans lequel elle impute cet acte de belligérance à Fateh al-Cham.
Ahmad Fliti, qui était le principal médiateur dans les négociations menées entre l’État libanais et les groupes jihadistes pour la libération des militaires libanais otages aux mains d’al-Nosra et de l’État islamique depuis 2014, a eu droit à des obsèques populaires et émouvantes dans son village natal, à Ersal, où il est aimé et respecté de tous.
Mécontents, les habitants ont demandé à l’État libanais une enquête transparente pour faire la lumière sur cet incident tragique. Contacté par L’OLJ, son cousin, très affecté, a indiqué que « c’est l’État qui l’avait officiellement chargé de mener les pourparlers en vue du transport des populations civiles vers Ersal. C’est à l’État qu’incombe la responsabilité de tirer au clair cette affaire », a-t-il asséné. Évitant d’accuser hâtivement l’une ou l’autre partie, le cousin se contente de souligner qu’il s’agit probablement « d’une mauvaise coordination entre les parties », laissant entendre qu’il s’agit d’une erreur militaire.
Ahmad Fliti n’aura en tous les cas pas eu le temps de finaliser sa énième mission humanitaire dans cette région en effervescence depuis 2014, où il est intervenu à maintes reprises pour « calmer le jeu, sauver des vies et soutenir ceux qui étaient dans le besoin ».
Entre-temps, 126 familles, principalement composées de femmes et d’enfants, ont été acheminées du jurd vers le village de Ersal. Les nouveaux-venus, qui sont passés par les barrages de contrôle de l’armée, ont été vaccinés un à un par les membres de l’association Beyond, sur demande du ministère des Affaires sociales.
« Ce sont principalement les familles des combattants jihadistes qui ont fui la bataille. L’État libanais a accepté de leur épargner les risques de mort encourus», précise un responsable de Ersal. Selon lui, il reste près de 4 800 autres dont le transport vers le village devait précisément être négocié par Ahmad Fliti. Le sort de la suite des négociations reste, pour l’heure, inconnu.