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Présidentielle : l’heure du dialogue franc avec les alliés

 

La situation

Sandra NOUJEIM |

« La maturation du compromis » autour de la présidentielle est un terme médian par lequel les parties politiques, à l’exception du Courant patriotique libre (CPL – qui continue de mettre en doute le sérieux du compromis) –, font allusion à l’éventualité de l’élection du député Sleiman Frangié à la présidence de la République. Loin d’avoir échoué, bien que « retardé », le compromis serait près d’aboutir.

Cette « maturation » s’effectuerait en deux temps parallèles.
Le premier est celui des négociations discrètes, qui se poursuivent pour finaliser les contours de l’entente. Des sources très informées confirment à L’Orient-Le Jour que la gestion des ressources gazières au large du Liban, par exemple, en est une clause-clé. Pour ce qui est de la loi électorale, en revanche, l’entente prévoit seulement de relancer les débats parlementaires jusqu’aux prochaines législatives, assure à L’OLJ une source favorable à ce compromis.

Une seconde dynamique de dialogue interne, menée par le Futur et les Marada avec leurs alliés respectifs, prend forme en parallèle. Elle se manifeste avec plus de transparence au sein du 14 Mars qui a relancé, depuis deux semaines, ses réunions à la Maison du Centre, avec une participation quasi constante du député Georges Adwan. La dernière en date remonte à mardi soir, après la réunion hebdomadaire du bloc du Futur.
Cela a été suivi, hier, par la visite à Maarab de Nader Hariri et de Hani Hammoud, conseillers de Saad Hariri. La réunion avec le président des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, a eu lieu en présence du député Fady Karam et du responsable du département de l’information et de la communication des FL, Melhem Riachi.

Rappelons que samedi dernier, Samir Geagea avait pris l’initiative de s’entretenir au téléphone avec Saad Hariri. Ces contacts n’ont pas atténué les divergences entre les deux alliés sur le compromis : le refus du premier de concéder la présidence à Sleiman Frangié sans garanties tangibles sur des questions de principe demeure. Et la détermination du second à relancer les institutions sur la base d’un compromis qui écarte les questions litigieuses est tenace. Elle est en tout cas soutenue par une volonté, de plus en plus tangible dans les milieux diplomatiques occidentaux, de séparer définitivement le dossier libanais du dossier syrien.

Mais entre ces deux points de vue radicaux, un terrain d’entente s’est réaffirmé : celui des constantes du 14 Mars. L’alliance sunnito-chrétienne a, dans sa symbolique, une portée stratégique à laquelle tiendraient autant les FL que le Futur. « Les réunions récentes entre les factions du 14 Mars sont le résultat d’une décision stratégique commune de maintenir l’alliance islamo-chrétienne. Le 14 Mars doit rester tel quel, indépendamment de l’avenir du compromis », a affirmé hier le député Ahmad Fatfat à L’OLJ.
Une même déclaration a émané de Fady Karam à l’agence al-Markaziya. Elle a surtout fait l’objet, hier, d’une conférence conjointe des députés Adwan et Siniora, à l’hémicycle, à l’issue du 33e report de la séance électorale au 7 janvier prochain.
La question demeure toutefois de savoir si la pérennité du 14 Mars est conciliable avec la réussite du compromis.
En guise d’ébauche de réponse, le respect des divergences au sein du 14 Mars a été valorisé hier par MM. Siniora et Adwan. La discipline de vote au sein de cette coalition n’est donc pas de mise. Indépendamment de la contestation des FL, le compromis passerait donc. Toutefois, l’assainissement des rapports fera que cet épisode ne produira pas un effet de rupture. Des indications émergent d’ores et déjà dans ce sens : la contestation actuelle des FL est associée, y compris par Georges Adwan, à leur précédent refus de prendre part au gouvernement actuel et d’adhérer à la logique de « gestion du conflit ». Le choix des FL de se mettre à l’écart des formules de concession à la faveur du Hezbollah est comme accepté désormais par le Futur.

Les milieux haririens se désolent de ce choix, sans toutefois le reprocher à leur allié chrétien. « Si les FL faisaient partie du gouvernement actuel, nous serions certainement plus forts », est allé jusqu’à affirmer hier le ministre Nabil de Freige à L’OLJ. Il existe, surtout, un combat commun auquel croient, à une échelle d’abord individuelle, des membres du Futur. Ces derniers sont très sensibles aux réserves exprimées par les FL sur un compromis « fondé sur des concessions unilatérales ». Certains parmi eux font jusqu’à nier l’existence, pour l’heure, de garanties en faveur du 14 Mars dans la formule envisagée.
En contrepartie, dans le camp du 8 Mars, le résultat des contacts menés par les Marada avec leurs alliés se résume par une information réductrice : le Hezbollah maintient la candidature du général Michel Aoun et réaffirme l’unité du 8 Mars, « qui votera d’une manière uniforme ».
Même si le parti chiite est dans l’embarras par rapport à son candidat actuel, la proposition officieuse de la candidature de Sleiman Frangié, par le Futur, le place dans une « win-win situation » : le feu vert devant émaner du Hezbollah, il est maître de la date de l’annonce du compromis et, surtout, des négociations. Autrement dit, à l’instant où il a opposé son refus officiel au compromis, le Hezbollah a renvoyé le signal de vouloir en négocier les détails, tout en préservant l’image d’une solidarité avec Michel Aoun.

Partant, Sleiman Frangié devrait apporter ce soir à la LBCI une « réaffirmation seulement implicite du maintien de sa propre candidature », selon une source autorisée. Celle-ci juge improbable qu’il en fasse une annonce officielle au risque de brusquer son allié du CPL. Michel Aoun reste candidat, et il aura le temps qu’il souhaite pour tenter sa chance ; c’est ce que devrait réaffirmer ce soir le chef des Marada. Il faut en comprendre que « soit Michel Aoun, soit Sleiman Frangié » est désormais l’équation officielle de la course à la présidentielle.