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L’opposition syrienne, entre manipulations externes et méfiance interne

 

Depuis l’arrivée au pouvoir du parti Baas dans les années 60 et jusqu’à nos jours, les prisonniers politiques et les opposants sont torturés et disparaissent dans les geôles syriennes. C’est lors de la présidence de Bachar el-Assad que le régime syrien peut se targuer d’avoir la plus jeune opposante – Tal el-Mallouhi. Mais à la lumière de la crise actuelle en Syrie et la multiplicité des parties impliquées dans ce conflit, nombreux sont ceux qui n’accordent aucune crédibilité aux opposants politiques actuels, ainsi que ceux qui accusent ces forces politiques d’être faibles, permettant l’influence de groupes jihadistes et l’émergence de ce qui est connu sous le nom de l’organisation de l’État islamique (EI).

À trente ans, Fadi combat depuis 2013 dans l’une des factions de l’opposition. Il n’hésite pas à exprimer son mécontentement de l’opposition politique depuis le début du conflit. La vitrine politique n’a pas réussi, à son avis, à gagner le soutien de l’intérieur du pays, s’opposant à Bachar el-Assad à partir d’hôtels et de salles de conférence, sans connaître les horreurs de la guerre, contrairement au reste du peuple syrien resté sous les bombes et assiégé depuis cinq ans. « Eux, sont des révolutionnaires d’hôtels, alors que nous sommes révolutionnaires des tranchées », souligne Fadi. Pour lui, ceux qui vivent loin de leur peuple ne peuvent en faire partie. « Ceux qui prétendent soutenir l’opposition ne font que nous tromper et manipuler notre cause. Si vraiment ils cherchaient à faire tomber ce régime tyrannique, ils auraient pu le faire en 2012, et même au début de 2013, quand les combattants étrangers étaient bien moins nombreux dans les rangs de l’EI, ou encore aux côtés d’Assad (en référence au Hezbollah et aux Iraniens) ». Pour ce combattant, le temps a prouvé l’échec de la négociation politique avec le gouvernement de Damas, qui n’a fait qu’obtenir plus de temps, sous le couvert de conférences politiques comme à Genève, alors qu’il en profite pour mettre fin à la révolution et tuer davantage d’innocents.

« Mini-État »

Pour certains, la Coalition nationale syrienne (CNS), qui regroupe différentes forces d’opposition les plus variées, aurait pu réussir dans sa mission si le conflit ne s’était pas éternisé, contribuant entre autres à la montée en puissance de l’EI. Abou Mahmoud, commandant d’une unité dépendant de la Jabha al-Chamiya, affirme que la prolongation de la crise syrienne est utilisée par les grandes puissances comme la Russie ou les États-Unis pour imposer des acteurs politiques de leur choix. Ces acteurs ne défendent pas les mêmes objectifs que la révolution syrienne, soit la liberté du peuple syrien et la réalisation de la démocratie. Ils chercheraient au contraire à former un mini-État à l’intérieur de la Syrie, y maintenant les hommes de l’ancien régime.

« Ils nous demandent de lutter contre l’EI avant tout, et d’arrêter de combattre le régime Assad. Mais n’est-ce pas ce dernier qui a contribué à l’émergence de ce groupe ? Si on ne combat pas Assad militairement, comment l’écarter politiquement ? Il est naturel que les forces politiques de l’opposition ont échoué, si la communauté internationale n’a pas réussi à faire pression sur le régime Assad pour lever le siège d’une ville, ou libérer des détenus en dépit de tous les documents et les images tragiques qui leur sont liés », estime Abou Mahmoud. Ce dernier s’étonne en outre que le PYD kurde, ou les autres partis à l’ombre du régime, puissent être considérés comme des partis d’opposition.

Il n’est un secret pour personne que les groupes islamistes (à l’exception de l’EI, terroriste) ont réussi à obtenir le soutien d’une grande partie de la société syrienne. Cela a évidemment conduit à l’affaiblissement de l’opposition politique interne et externe, ces organisations ayant envoyé beaucoup d’hommes combattre le régime et ayant réussi à briser le siège de la ville d’Alep, tandis que les représentants politiques de l’opposition multipliaient appels et conférences de presse, sans résultat. Ahmad, un ancien ingénieur de 36 ans, a vécu le siège d’Alep et les bombardements de sa ville. « Comment les représentants de l’opposition appellent-ils à l’aide les mêmes pays qui contribuent au siège de nombreuses localités syriennes ? Ils sont plus loin que jamais de la révolution, et n’osent même pas rentrer en Syrie de peur d’être tués. Leurs vies sont-elles plus précieuses que celles des gens qu’ils prétendent représenter ? » s’indigne Ahmad. Toujours selon lui, la plupart des opposants de l’intérieur ne connaissent même pas les noms et les personnalités des opposants de l’extérieur, qui ont depuis toujours et pour la plupart vécu à l’étranger, et ne cherchent qu’à asseoir leur autorité.

Parallèlement, les personnalités des groupes islamistes sont constamment l’objet de discussions de chaque citoyen et révolutionnaire. L’impact et l’influence de ces groupes sur l’opposition politique et ses actions futures demeurent aujourd’hui une obsession de la communauté internationale. Toutefois, comme le souligne Ahmad, « l’opposition politique est formée depuis 2011, mais les groupes islamistes ne l’ont intégrée qu’en 2013. Qu’a fait l’opposition entre-temps ? Nous refusons d’être représentés par des gens qui résident dans des hôtels 5 étoiles et qui attendent le feu vert de la communauté internationale pour s’imposer à nous ».