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Plusieurs propositions avancées pour débloquer la crise gouvernementale

 

Philippe Abi-Akl 

Lors de son allocution à l’iftar annuel des Makassed, le Premier ministre Tammam Salam a élaboré une véritable feuille de route pour l’étape à venir. Annonçant sa détermination à convoquer à une séance ministérielle, M. Salam a souligné qu’il ne renoncerait pas à ses responsabilités, qu’il tiendrait bon, en coordination avec toutes les parties, et qu’il y aurait bel et bien une réunion du Conseil des ministres, qui déboucherait sur des positions.

Le chef du gouvernement a tenu ces propos après avoir donné au président de la Chambre, Nabih Berry, et au chef du Rassemblement démocratique, Walid Joumblatt, l’opportunité et le temps de mener une médiation en faveur d’une solution. Ces contacts ont prouvé que toutes les parties sont attachées au maintien du cabinet, qui continue d’œuvrer en dépit de la vacance présidentielle. Selon des sources proches du Grand Sérail, Tammam Salam veille à ce qu’aucune démarche de sa part ne soit considérée comme un geste de défi à l’encontre d’une quelconque partie ou personnalité. Mais en dépit de sa bonne volonté, il ne saurait pour autant accepter que le blocage persiste. Les conditions impératives qui requièrent un fonctionnement régulier du cabinet sont nombreuses, et incluent l’approbation de dons importants, la signature de protocoles et d’autres questions vitales qui ne sauraient attendre.

De manière saisissante, les ministres et députés du Courant patriotique libre (CPL) font assumer au camp adverse, le 14 Mars, notamment le courant du Futur, la responsabilité du blocage. Le ministre de l’Éducation, Élias Bou Saab, a ainsi réclamé la dynamisation des institutions constitutionnelles, le gouvernement comme la Chambre, soulignant la nécessité de relancer la législation. Il met toutefois l’accent sur le respect de la Constitution et de son esprit, ainsi que sur le respect et l’application des lois. Des sources aounistes rejettent ainsi toute « opération de triche » qui interviendrait au niveau de la convocation à une séance du Conseil des ministres, affirmant que cette dernière n’aura lieu que si le gouvernement tranche le dossier des nominations en faveur du candidat du général Michel Aoun.

 

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Ses positions, Tammam Salam les a prises à son retour de vacances, durant le week-end, alors que de plus en plus de voix soulignent la nécessité que le gouvernement ouvre une session extraordinaire de la Chambre en vertu des prérogatives du président de la République qu’il assume actuellement. La législation ne saurait non plus être interrompue, et les milieux de Rabieh mettent eux aussi en évidence l’importance de redynamiser les institutions et de respecter les lois. Selon des sources ministérielles, la question de l’ouverture d’une séance extraordinaire est actuellement à l’étude sur base du principe selon lequel la législation ne doit pas être interrompue, faute de quoi cela aurait des répercussions graves sur le plan économique. Certains proposent que le bureau de la Chambre place les projets de loi sur le recouvrement de la nationalité et le projet de loi électorale à l’ordre du jour de la séance plénière, même si ces textes sont encore à l’étude en commissions, dans le but d’accélérer leur approbation.

Il y a aussi le projet de budget. Un ministre révèle ainsi qu’une proposition présentée par Tammam Salam suggère de réserver les séances à l’approbation du budget. Le processus n’a plus besoin en effet que de quelques séances pour finaliser le projet, après que plusieurs séances eurent déjà été réservées à cette fin auparavant. Le cabinet transmettrait aussitôt le projet à la Chambre, dans la mesure où le pays ne peut pas continuer à fonctionner sans budget, ce qui est le cas depuis 2005, situation qui n’est pas sans avoir des retombées sur le Trésor. Selon ce ministre, aucun autre projet ne devrait être discuté durant les séances tant que le budget n’a pas été approuvé.

Quoi qu’il en soit, souligne des sources ministérielles, l’exécutif ne saurait être paralysé pour les beaux yeux d’une personnalité, quelle qu’elle soit, et pour une question de nominations. Mais le CPL refuse net toute solution similaire à celle qui avait été mise au point par le cabinet Mikati – comble de l’ironie, le ministre de la Défense de l’époque était un membre du bloc du Changement, Fayez Ghosn (Marada). Ce dernier avait retardé de deux ans le passage à la retraite du commandant en chef de l’armée, Jean Kahwagi, et de son chef d’état-major.

Des sources politiques qui suivent de près les contacts entrepris par Tammam Salam soulignent que plusieurs propositions sont à l’étude pour sortir de l’impasse, compte tenu de l’absence d’accord sur les nominations. L’une de ces propositions est de redynamiser le Conseil des ministres, en fixant dès maintenant une séance en août prochain pour débattre des postes vacants à pourvoir au sein de l’armée, en vertu du mécanisme prévu par les lois en vigueur, c’est-à-dire la nécessité pour les candidats aux postes d’obtenir les deux tiers des voix au gouvernement afin d’être nommés. Les contacts se multiplient afin de convaincre Rabieh de cette proposition et de débloquer, ce faisant, la crise, afin que le chef du CPL ne s’imagine pas qu’un coup de Jarnac est en préparation contre lui si M. Salam convoque à une séance, ou que le Premier ministre est en train de lui lancer un défi.

Des sources proches du ministère de la Défense refusent en outre de divulguer la moindre information sur les critères qui seront retenus dans le processus de nomination, ou encore sur les candidats aux postes vacants. Un rapport détaillé dans ce sens a été remis au président de la Chambre et au Premier ministre pour étude, avant que Samir Mokbel ne prenne la moindre initiative. Ces sources assurent qu’il existe un mécanisme qui sera suivi, et qu’il convient de respecter la hiérarchie, surtout en l’absence du président de la République, commandant en chef des forces armées et chef du Conseil supérieur de la défense. M. Mokbel affirme de plus qu’il mènera de vastes concertations avant de prendre n’importe quelle décision.

Il reste à savoir quels seront effectivement les critères retenus pour nommer un successeur à Jean Kahwagi, alors que c’est d’ordinaire le président de la République qui tranche entre les candidats. Qui donc assumera la responsabilité des nominations ? La question reste entière.