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Cruelle malveillance du 8 Mars sur les plans de l’armée à Ersal

 

 

La situation

Fady NOUN

Avec la polémique qui enfle sur le rôle potentiel de l’armée à Ersal, ce sont des sommets de malveillance qui ont été atteints, hier. « Que va faire l’armée, d’autant que les informations indiquent que l’entrée d’al-Nosra à Ersal est une affaire de jours ? » a osé demander hier, en Conseil des ministres, Élias Bou Saab (Éducation).
Le ministre aouniste croit-il vraiment que le commandement de l’armée va lui révéler, et par la même occasion révéler au Front al-Nosra, son plan de bataille, parce que quelques députés ou ministres mal éclairés et manquant de confiance, comme lui, l’ont demandé ?

« Agir, puis parler » est la devise adoptée depuis quelque temps par la grande muette, et qui semble lui réussir.
Il est évident que, derrière la campagne aouniste, il y a une volonté d’entraîner l’armée à s’engager dans le combat que mènent, dans le Qalamoun, l’armée régulière syrienne et le Hezbollah. Les deux forces semblent avoir refoulé les jihadistes vers cette retraite que constitue Ersal, où le nombre de réfugiés syriens est supérieur à celui de la population, dans l’espoir qu’ils s’y heurteront à l’armée.
Le silence total observé par la troupe à ce sujet gêne ceux qui, par souci démagogique ou par inconscience, jettent ainsi le soupçon sur l’armée au moment où le Liban tout entier devrait, au contraire, faire preuve d’une solidarité sans faille à son égard.

Silence de l’armée
Le silence de l’institution militaire a été quand même rompu hier par deux communiqués laconiques annonçant que des perquisitions ont été effectuées dans des campements de réfugiés syriens situés aux abords des villages de Qoucha, de Qouaykhat et de Tleïl, et que des appareils israéliens avaient survolé Rayyak, Baalbeck et le Hermel.
En d’autres termes, et pour ceux qui ont des oreilles pour entendre, l’armée assure que les infiltrations de jihadistes en direction des camps de Syriens au Liban sont sous surveillance et rappelle qu’Israël surveille le cours de la bataille dans le Qalamoun.

Pour sa part, le Premier ministre a fait taire M. Bou Saab en affirmant : « L’armée accomplit son devoir. Le débat sur la question doit se baser sur des rapports militaires. Il sera possible quand ces rapports seront disponibles. »
Pour sa part, à la sortie du Conseil des ministres, confronté à cette même question, le ministre de la Défense, Samir Mokbel, a répondu : « L’armée est stationnée à Ersal. La frontière entre Esral et Ras Baalbeck est verrouillée, de manière à empêcher toutes les infiltrations. Si quelque chose de plus est exigé, c’est au Conseil des ministres de le décider. Aujourd’hui, l’armée a la mission défensive de surveiller la frontière et d’empêcher toute infiltration. Une mission offensive est du ressort exclusif du commandement militaire ; c’est à lui d’en examiner les possibilités, puis de recourir au Conseil des ministres pour prendre la décision qui s’impose. »

Une réunion ministérielle à Laboué…
Sur l’insistance des journalistes dont les sorties n’étaient pas moins irréfléchies que celles des ministres, M. Mokbel a ajouté, non sans ironie : « Je vais proposer au Conseil des ministres et aux ministres qui font preuve de cette grande curiosité de se réunir à Laboué (à la frontière orientale). Ils pourront obtenir de l’armée de plus amples explications sur ce qui se passe sur le terrain, sachant que c’est l’armée qui contrôle le terrain et que c’est le commandement militaire qui décide des actions à entreprendre et demande au Conseil des ministres le feu vert pour passer à l’action. »

Par ailleurs, M. Moqbel a répondu évasivement à la question, soulevée par les aounistes, de la succession du directeur général des FSI, Ibrahim Basbous, et du commandant de l’armée Jean Kahwagi, dont les mandats arrivent prochainement à expiration. « La question est du ressort du ministre de l’Intérieur, a-t-il affirmé, en ce qui concerne les FSI. Nous déciderons quand la date viendra », a-t-il ajouté.
M. Mokbel n’a pas semblé inquiet de la menace brandie dans certains milieux aounistes d’un boycottage des réunions du gouvernement, au cas où les mandats des deux hommes seraient prorogés. « Le gouvernement fait du bon travail, il n’y a pas de raison qu’il s’en aille. Il reste », a-t-il dit.

Machnouk à Rabieh
En cours de journée, le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, s’était rendu chez le général Michel Aoun à Rabieh pour soulever paisiblement la question des nominations, auxquelles s’ajoutent les modifications qu’elles entraîneraient dans la composition des conseils de commandement de l’armée et des FSI.
Militairement, il paraît en effet impensable que les FSI ou l’armée prennent le risque d’un passage à vide, fût-il minime, qui accompagnerait la passation des pouvoirs entre deux commandements, dans une période aussi critique de la vie nationale.
« Nous avons soulevé toutes ces questions, mais je n’entrerais pas dans les détails », a dit M. Machnouk, rendant hommage au sens des responsabilités de M. Aoun et excluant une décision aussi grave que celle de boycotter la seule instance de décision constitutionnelle encore opérationnelle.

La délégation parlementaire, chargée de sonder les blocs politiques sur les propositions de Michel Aoun concernant la présidentielle, a achevé hier sa tournée par une visite au domicile de Walid Joumblatt. C’est Akram Chehayeb, plutôt que Taymour Joumblatt, qui a répondu aux questions des journalistes, à l’issue de la réunion. Le ministre a réaffirmé que « la Constitution est à nos yeux intouchable en la circonstance ». Pour sa part, la délégation a défendu, par la voie d’Alain Aoun, le principe de la large représentativité chrétienne dont doit jouir le président de la République.