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Les propos de Aoun et Nasrallah alimentent les réactions politiques

 

Zeina ANTONIOS |

La mise en garde, samedi, du président de la République, Michel Aoun, adressée à Israël face à ses menaces ont suscité une série de réactions dans les milieux politiques durant le week-end, certains prévenant contre les répercussions d’une possible frappe israélienne, tandis que les milieux proches du Hezbollah assuraient que le parti chiite continuera à se battre contre l’État hébreu.

C’est une lettre adressée dernièrement par l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, Danny Danon, et dans laquelle ce dernier dénonçait « le réarmement massif du Hezbollah » et la « violation flagrante de la résolution 1701 » qui a poussé le président de la République à dénoncer « les intentions hostiles d’Israël à l’égard du Liban ». « Israël doit respecter, avant quiconque, la résolution 1701 », a affirmé M. Aoun samedi, rappelant que l’État hébreu occupe la partie nord du village de Ghajar, les hameaux de Chebaa, les collines de Kfarchouba, et viole quotidiennement la ligne bleue. Il a ajouté que le Liban répondra de manière « appropriée » à toute tentative israélienne de porter atteinte à la souveraineté du pays.

Adoptée en août 2016, la 1701 prévoit entre autres l’application de la résolution 1559 et de l’accord de Taëf appelant au désarmement de toutes les milices au Liban. Selon des sources bien informées, une délégation formée des ambassadeurs des cinq pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU pourrait bientôt demander audience au président de la République pour l’interroger sur ses positions sur la 1701.

« La frappe israélienne sera stratégique »

Interrogé par L’Orient-Le Jour, le député de Tripoli Moustapha Allouche a estimé qu’« il est possible qu’Israël, encouragé par les États-Unis, opte pour le choix militaire, et c’est la pire chose qui pourrait nous arriver. Les dégâts seront énormes et, vu la crise actuelle et les conflits dans la région, je ne pense pas que quiconque pourra nous aider à reconstruire le pays. Ce sera un vrai désastre ». « Ce qui est sûr, c’est que durant les deux ou trois dernières années, Israël a travaillé à couper les lignes d’approvisionnement du Hezbollah, notamment en Syrie. Si l’État hébreu se décide à intervenir militairement, sa frappe sera stratégique », a-t-il ajouté.

Pour le journaliste Moustapha Fahs, la lettre envoyée par Israël à l’ONU constitue « un échauffement avant la bataille qui fait partie de la stratégie d’Israël ».
« La réponse de la part de la plus haute autorité au Liban aux menaces israéliennes constitue la plus grande preuve de la force des institutions légales », a pour sa part écrit hier l’ancien président de la République, Michel Sleiman, sur son compte Twitter. Ce tweet à double tranchant fait allusions aux propos de Michel Aoun, qui avait déclaré il y a une semaine à la chaîne de télévision égyptienne CBC que « du moment qu’Israël occupe toujours le territoire libanais, et tant que l’armée ne détient pas la force nécessaire pour faire face à Israël, nous sentons que les armes du Hezbollah sont nécessaires ».

Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohammad Fneich, s’est également employé à défendre le travail militaire du Hezbollah. « La résistance est prête à poursuivre l’ennemi israélien où que son danger se manifeste, en complémentarité avec l’armée. Personne ne peut penser affaiblir la résistance, sauf s’il est stupide, complice ou ignorant de l’intérêt du pays », a-t-il déclaré hier.

Le ministre de la Santé, Ghassan Hasbani, a pour sa part appelé à calmer le jeu. « Il n’y a pas de stratégie pour détruire le Liban et personne ne veut précipiter le pays dans des conflits sanglants. Les conflits en Orient pourraient ne pas s’arrêter et le Liban ne peut changer le cours des choses dans la région ou dans le monde. Voilà pourquoi nous devons nous éloigner de ce qui nous affaiblit ou nous divise », a-t-il dit.

Interrogé hier par la chaîne al-Manar, le ministre de la Justice, Salim Jreissati, a estimé que les propos de Michel Aoun sur Israël visaient « à faire cesser les menaces » et relançaient le débat « sur le droit de l’État libanais à se défendre ».

Pour Nagy Gharios, député de Baabda et membre du Courant patriotique libre, « lorsque le président a évoqué les armes du Hezbollah, il a dit qu’il était pour l’usage de ces armes contre Israël et les takfiristes (jihadistes). Il n’a pas dit que ces armes étaient dirigées contre les Libanais ».

« Un pas en arrière » avec l’Arabie

Par ailleurs, les déclarations jeudi dernier du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui avait indiqué que « les véritables créateurs de Daech sont les États-Unis et l’Arabie saoudite », ont elles aussi suscité des réactions.
« Les propos de Nasrallah sur l’Arabie saoudite ont ébranlé la confiance que le président Aoun a tissée avec l’Arabie. Ces paroles nous ont fait faire un pas en arrière », a déploré le député Imad el-Hout, cité par l’agence al-Markaziya. Même son de cloche chez le député Hadi Hobeiche, qui s’est demandé samedi si les derniers propos de Nasrallah pourront servir le président de la République.

Le mufti du Mont-Liban, Mohammad Ali Jouzou, a pour sa part affirmé dimanche n’avoir jamais entendu Hassan Nasrallah « dire du bien de l’Arabie saoudite, malgré le fait que c’est elle, ainsi que le Qatar, qui se sont tenus auprès du Liban après la guerre israélienne de juillet 2006 ».