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Trump aborde l’Orient compliqué avec des idées trop simples

Fady NOUN 

Le Hezbollah est une « menace » pour l’ensemble du Moyen-Orient. « Je ne suis pas un fan d’Assad. Je pense évidemment que ce qu’il a fait à ce pays et à l’humanité est horrible. » Les propos tenus hier par le président Trump, devant le Premier ministre Saad Hariri et le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, semblent surréalistes pour quelqu’un qui vit au Liban. De toute évidence, le président américain aborde l’Orient compliqué avec des idées (trop) simples. Ainsi, assigner au Liban la tâche de combattre le Hezbollah, sous peine de voir le budget alloué à l’armée libanaise réduit, c’est en effet vivre dans un autre monde.
Or, effectivement, un analyste cité par l’AFP redoute une baisse de l’aide militaire de Washington à l’armée libanaise. « La Maison-Blanche a clairement l’intention de réduire le budget en arguant que le programme d’aide militaire américaine au Liban, depuis 2006, n’a pas rempli l’objectif assigné : que les forces armées libanaises contrecarrent le Hezbollah », estimait ainsi la semaine dernière Joe Macaron, du cercle d’analyse Arab Center de Washington.
Sur le plan interne, la bataille du jurd d’Ersal en était hier à son cinquième jour et, de toute évidence, marquait le pas, s’étant rapprochée d’une sorte de « no man’s land » militaire situé en territoire libanais, mais habité par des déplacés syriens, dont des familles des combattants de Fateh el-Cham (ex-Front al-Nosra). Une « zone grise » qui, jusqu’à présent, était « tolérée » par l’armée pour des raisons humanitaires.
Les combats proprement dits se doublent d’une « bataille d’images », et ce sont elles qui ont le plus grand retentissement dans l’opinion. Les grosses attaques de Trump hier ont alimenté une bataille d’opinion qui fait rage depuis la semaine dernière. La logique d’une « résistance » qui crie victoire alors que des officiers de l’armée – comme le général à la retraite Chamel Roukoz – enragent de voir le Hezbollah faire le travail qu’ils rêvaient depuis trois ans d’accomplir.
De toute évidence, il y a eu un problème de couverture politique qui s’est posé, que l’on ne comprend pas très bien, puisque le Premier ministre lui-même, à la veille de son départ, parlait d’une opération planifiée de l’armée dans la région de Ersal. Hier, le général Joseph Aoun, en a reparlé à demi-mots, devant les officiers d’une base militaire.
Le pays ne souffre pas seulement d’incohérence, mais aussi de mauvaise gouvernance. Les unes après les autres, les catégories sociales lésées par une grille des salaires hypertrophiée et/ou des ressources fiscales improvisées, se manifestent. C’était au tour hier des militaires à la retraite, exclus des avantages de la grille, de manifester, tandis que les juges, dénonçant une atteinte à leur indépendance, réclamaient qu’on leur restitue leur caisse mutuelle abolie. L’explosion sociale, si rien n’est fait pour la prévenir, n’est pas loin.