IMLebanon

Les espoirs aounistes devront attendre encore…

Philippe Abi-Akl

Le retour du chef du courant du Futur, Saad Hariri, au Liban, à la veille de la 45e séance électorale, a alimenté dans les milieux aounistes les espoirs d’un appui éventuel de l’ancien Premier ministre à la candidature du chef du bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun, dans le cadre d’une formule de compromis : concoctée par certaines parties, cette formule prévoirait d’amener Michel Aoun à Baabda et Saad Hariri au Grand Sérail.
En dépit de l’optimisme du camp aouniste, des milieux du courant du Futur assurent que Saad Hariri reste attaché à la candidature du député Sleiman Frangié tant que celui-ci reste en lice. Selon les mêmes milieux, le courant du Futur a honoré toutes ses obligations pour débloquer la présidentielle, ses députés ne ratant aucune occasion pour se rendre à l’hémicycle et élire Sleiman Frangié, lequel a boycotté la séance électorale par souci de ménager le Hezbollah. En contrepartie, le député de Zghorta n’a pu convaincre son allié chiite de l’appuyer, quand bien même les chances de son élection dépasseraient celles de Michel Aoun, relèvent les milieux du courant du Futur, dont la position reste donc pour l’heure inchangée. Rien de nouveau ne devrait donc transparaître dans le communiqué du bloc du Futur qui tient sa réunion hebdomadaire aujourd’hui.
Néanmoins, le retour de Saad Hariri a catalysé les échanges pour une sortie de crise, surtout que le leader sunnite serait déterminé à mettre fin au surplace qui dure depuis plus de deux ans. À en croire des milieux parlementaires du courant du Futur, M. Hariri serait le seul leader politique réellement pressé de combler la vacance et relancer les institutions. De fait, ces milieux expliquent qu’il a été le seul à présenter sans interruption des initiatives de déblocage, à l’inverse du Hezbollah et du Courant patriotique libre. Ce qui prouverait que le vide sied aux autres parties, ou du moins ne les dérange pas, de l’avis de milieux politiques.
Dernièrement, et préalablement à son retour à Beyrouth de Paris, Saad Hariri aurait effectué une série de contacts à l’échelle internationale et régionale, susceptibles de l’aider dans sa nouvelle tentative de forcer un déblocage.
Les milieux de la Maison du Centre font état d’une rencontre prochaine entre Hariri et le président de la Chambre, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné. Force est de relever à cet égard que l’initiative d’un package-deal avancée par M. Berry à la table du dialogue pourrait compliquer les choses, au lieu de les faciliter, selon un ancien responsable, pour qui la présidentielle devrait être déliée des autres dossiers. D’ailleurs, le courant du Futur fonde ses efforts pour une sortie de crise sur le respect de la Constitution et le respect, par les députés, de leur obligation d’élire un président, à l’heure où ils abusent de leur droit de ne pas se rendre à la séance électorale. Sur ce point, des milieux politiques n’écartent pas la possibilité que les parties du 14 Mars, précisément le courant du Futur, prennent une position notoire à l’issue de la prochaine séance électorale demain, sous l’angle de son boycottage (probable) par le bloc aouniste et par le député Sleiman Frangié.
Les milieux de la Maison du Centre annoncent aussi une rencontre prochaine de Saad Hariri avec le député Walid Joumblatt. Celui-ci s’était hâté de déléguer le ministre Waël Bou Faour en Arabie en vue de cerner la position saoudienne à l’égard du Liban. Des milieux diplomatiques occidentaux rapportent l’absence actuelle de tout intérêt saoudien à l’égard du Liban, quand bien même le royaume serait rassuré par la stabilité qui continue de prévaloir dans le pays. Le royaume se consacre entièrement, au niveau externe, aux conflits à portée stratégique qui bouleversent la région, notamment en Syrie, au Yémen, en Irak et en Libye. C’est sur ces terrains que l’Arabie entend circonscrire l’influence iranienne. Qui plus est, les tensions saoudo-iraniennes vont en s’accroissant, sans qu’il n’y ait de perspective d’apaisement en vue, malgré des efforts diplomatiques régionaux et internationaux dans ce sens.
Ce serait aussi l’avis du président français François Hollande, que rapporte un diplomate en le citant. « Rien de nouveau à signaler sur le dossier libanais et la présidentielle », aurait constaté le président Hollande, à l’issue de ses réunions respectives avec le prince héritier d’Arabie Mohammad ben Nayef, et avec le président iranien Hassan Rohani.
Mais plus récemment, à New York, M. Hollande aurait glissé dans ses échanges avec le Premier ministre Tammam Salam une question qui pourrait porter les germes d’une nouvelle idée de déblocage : « Tant que Aoun et Frangié n’auront pas assuré le quorum, n’y aurait-il pas un troisième candidat éligible ? » Serait-il dès lors légitime de s’attendre à une initiative nouvelle de déblocage, en dehors des deux principales candidatures, qui émanerait du 14 Mars à l’issue de la prochaine séance électorale ? Rien n’est encore sûr pour l’instant, loin de là…