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« Le miracle » du dialogue entre le Hezbollah et le courant du Futur

Il y a quelques mois, l’attaque israélienne de Kuneitra aurait été le prétexte à une campagne féroce du 14 Mars et en particulier du courant du Futur contre le Hezbollah. Les « faucons » de ce courant auraient occupé la plupart des chaînes de télévision pour s’élever contre la présence des combattants du Hezbollah au Golan et pour faire remarquer qu’après tout, il a bien cherché l’attaque dont six de ses cadres ont été les victimes. Mais cela, c’était avant la décision puis le début effectif du dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah. Comme par miracle (le fameux miracle libanais), les voix extrémistes se sont tues et l’ancien Premier ministre Fouad Siniora, considéré comme un « faucon », est entré en contact téléphonique avec l’adjoint du secrétaire général du Hezbollah Hussein Khalil pour présenter ses condoléances. Même au sein du Conseil des ministres, où siègent des anti-Hezbollah notoires, le débat a été rapidement expédié, sans remous ni tensions, toutes les parties politiques représentées au sein de ce conseil ayant choisi de condamner l’agression israélienne contre le convoi irano-hezbollahi à Kuneitra. On pourrait presque dire à quelque chose malheur est bon, puisque cette attaque israélienne a permis de mesurer le sérieux du dialogue entre le Hezbollah et le courant du Futur et la détermination de ces deux parties à enterrer réellement la hache de guerre et en tout cas à cesser leur polémique en vue de paver le terrain à des ententes le moment venu.

Pour le Liban en butte aux attaques jihadistes et aux menaces israéliennes, ce développement est de la plus haute importance, parce qu’il montre qu’en dépit de la tourmente qui règne autour de lui, il continue de bénéficier d’une sorte de filet de sécurité. Le fameux « parapluie » international, dont on a beaucoup parlé, n’est donc pas seulement une vue de l’esprit ou des déclarations de bonnes intentions, mais une réalité qui se traduit chaque jour par la coopération des services de sécurité occidentaux avec l’armée libanaise. Mais le plus important, c’est que les deux puissances régionales qui ont une influence considérable au Liban, à savoir l’Iran et l’Arabie saoudite, ont visiblement encouragé le dialogue entre le Hezbollah et le courant du Futur. Si le secrétaire général du parti chiite a depuis longtemps tendu la main pour le dialogue, proposant au courant du Futur de trouver un moyen de gérer leurs divergences, sans mettre en danger la stabilité du pays, le chef du courant du Futur Saad Hariri n’a accepté d’ouvrir des pourparlers avec le Hezbollah que récemment, après avoir obtenu pour cela le feu vert des Saoudiens. Quelles que soient les analyses qui ont poussé le courant du Futur à choisir ce timing, ce qui est sûr, c’est que les deux formations ont montré, avec les derniers développements, qu’il s’agit d’une décision sérieuse qui ne risque pas d’être remise en question à la moindre secousse. C’est d’autant plus soudain que sur les autres dossiers régionaux, l’Arabie saoudite et l’Iran continuent à s’affronter avec férocité, qu’il s’agisse de l’Irak, du Yémen ou, surtout, de la Syrie. Certains analystes pensent d’ailleurs que si Téhéran et Riyad parviennent à se mettre d’accord sur le dossier libanais, par Hezbollah et courant du Futur interposés, cela pourrait constituer un bon début pour le traitement des autres dossiers et ce serait en quelque sorte un prélude à d’autres ententes. Mais cette opinion ne fait pas l’unanimité.
D’autres analystes estiment au contraire que les Saoudiens ont poussé le chef du courant du Futur à nouer un dialogue avec le Hezbollah tout simplement parce que la situation au Liban commençait à tourner à l’avantage de l’Iran et de son allié le Hezbollah et que les Saoudiens qui ont pratiquement perdu l’Irak et le Yémen et sont, selon les termes de Hassan Nasrallah, les plus faibles en Syrie, ne veulent pas aussi perdre leur influence au Liban. Face à une rue sunnite qui est de plus en plus attirée par les groupes jihadistes et en l’absence physique du chef du courant du Futur, les Saoudiens auraient donc réagi pour reprendre le contrôle de la communauté sunnite au Liban, face à un Hezbollah de plus en plus fort.
Quelle que soit l’analyse retenue, ce qui compte pour le Liban, c’est le maintien d’une certaine stabilité, accompagnée d’une dynamisation de l’action du gouvernement, pour traverser cette période délicate avec un minimum de pertes. Le 14 Mars s’est ainsi bien gardé de critiquer la présence du Hezbollah en Syrie. La seule question qui a été posée porte sur l’éventuelle riposte du parti. Le 14 Mars souhaite à ce sujet qu’une telle riposte, si elle a lieu, ne se fasse pas à partir du territoire libanais pour ne pas entraîner de violentes représailles, voire une nouvelle guerre, comme en 2006, que le Liban d’aujourd’hui ne pourrait pas supporter. Bien entendu, le Hezbollah ne donne pas de réponse précise, mais il est certain qu’il prendra en considération la réalité libanaise et les délicats équilibres régionaux avant de riposter.