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Containment et statu quo sur la présidentielle

 

Sandra NOUJEIM |

La fonction de pure forme ou, au mieux, la fonction de « containment » que remplit le dialogue national se confirme, en dépit des surenchères verbales.
Entre la deuxième séance de dialogue qui a consacré, à la quasi-unanimité des participants, le refus de tout amendement constitutionnel pour faire élire un président et la troisième, qui doit se tenir aujourd’hui au siège du Parlement, les discours du Hezbollah et du Courant patriotique libre (CPL) se sont crispés.

Le parti chiite a réitéré au fil de la semaine, par le biais de ses députés et ministres, son appui déclaré au chef du bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun. Les positions de Nawwaf Moussaoui et Mohammad Raad ont été suffisamment explicites dans ce sens au cours des derniers jours. M. Raad a été particulièrement lapidaire, exprimant la disposition de son parti à « attendre mille ans jusqu’à avoir un président » répondant aux critères que le Hezbollah souhaite fixer au prochain chef de l’État.

Au cours de la cérémonie solennelle de Sahel Alma dimanche dernier, le général Aoun a lui aussi assumé avec une clarté sans précédent que le choix était bien entre un « président fort » (entendre lui-même) et le chaos, au moment où des sources proches de Rabieh font état d’une analyse aouniste selon laquelle l’intervention russe en Syrie pour protéger le régime Assad ne peut que déboucher ultimement sur la victoire de la ligne défendue depuis 2005, par l’ancien commandant en chef de l’armée et, partant, sur son retour triomphal à Baabda. Pour sa part, le nouveau chef du CPL, le ministre Gebran Bassil, a appelé le camp adverse, notamment le courant du Futur, à « desserrer son emprise sur la parité, la proportionnelle et la présidence de la République ».

Cette hausse de ton a été interprétée par des observateurs comme une réponse directe au chef du bloc du Futur, le député Fouad Siniora, qui avait exprimé clairement, à la table de dialogue, le refus de son bloc d’appuyer la candidature de Michel Aoun à la présidence. C’est effectivement sur la candidature du général Aoun (camouflée jadis par les expressions de candidature tantôt « consensuelle », tantôt « forte ») que se limite désormais ouvertement le débat sur la présidentielle. Et c’est dans ce sens que doit s’orienter le débat aujourd’hui à la table de dialogue.

Le CPL prévoit de proposer par écrit trois options de déblocage de la présidentielle, qui sont, par ordre de préférence: « L’élaboration d’une loi électorale juste et équitable afin d’élire un Parlement compétent pour élire un chef de l’État ; l’élection d’un président au suffrage universel (même si cela exige un amendement constitutionnel) ; une présidentielle par consensus, sur la base d’un plébiscite chrétien », explique Ziad Abs, l’une des figures du CPL, à L’Orient-Le Jour. En réalité, ces propositions sont les déclinaisons d’une même demande que le CPL souhaite adresser au camp adverse: « Pour sortir de la crise, il faut sortir de la théorie de veto qu’on oppose à un candidat », explique M. Abs. « Nous proposons trois issues à la crise. Qu’est-ce qu’ils proposent, eux, en contrepartie ? » s’interroge-t-il.

Du côté du courant du Futur, la réponse est claire: « La candidature du général Michel Aoun qu’ils proposent n’est pas recevable. Qu’ils en proposent une autre », affirme le député Ahmad Fatfat à L’OLJ. Il insiste sur « la position ferme du 14 Mars dans ce sens », qui se traduira notamment par « un refus catégorique de traiter des clauses suivantes à l’ordre du jour avant d’avoir réglé la question de la présidentielle. Il n’est pas question de passer outre cette clause ».
Cette détermination du 14 Mars est renforcée par « l’hostilité » que ses milieux disent avoir perçue dans les discours du CPL, y compris l’appel de Gebran Bassil à une manifestation devant le palais présidentiel, à Baabda, le 11 octobre prochain.

En revanche, la virulence verbale du CPL est tempérée par une tendance (paradoxale) dans ses milieux à minimiser l’appel à la manifestation – en la limitant à la commémoration symbolique du 13 octobre, date de l’éviction du général Aoun du palais de Baabda par l’armée d’Assad en 1990 – et à afficher une attitude positive par rapport au dialogue. « Nous tenons au dialogue et sommes convaincus de cette voie pour régler les différends, ayant compris, au final, que nul ne peut éliminer l’autre », affirme Ziad Abs.
Cette position répond au souhait du Hezbollah de maintenir le dialogue, perçu comme un moyen d’éviter tout dérapage vers un vide global.
La menace d’effondrement est constamment ravivée par la rue en bouillonnement: hier en soirée, des blocs de béton armé ont d’ailleurs été entassés autour de la place de l’Étoile jusqu’au bâtiment du quotidien an-Nahar pour fortifier l’hémicycle.

Le général Michel Aoun s’est ainsi abstenu d’évoquer le dialogue dans son discours à Sahel Alma. Après avoir menacé de s’en retirer, il a décidé finalement d’y prendre part de manière intermittente, déléguant, le cas échéant, Gebran Bassil. Le CPL a d’ailleurs tout intérêt à maintenir le dialogue, qu’il tend à associer à la relance de l’exécutif. « Le dialogue est d’autant plus nécessaire que la gouvernement est paralysé », affirment des milieux aounistes. Cette association parvient à peine à dissimuler le lien entre la relance de l’exécutif et les nominations sécuritaires.

Alors que les milieux du Futur se montrent fort sceptiques quant à l’aboutissement de la formule visant à élargir le nombre de généraux de brigade (une formule à laquelle s’opposerait le commandement militaire), le CPL maintient, de son côté, l’option de recourir éventuellement à la rue. En somme, la séance d’aujourd’hui promet un retour au statu quo sur le dossier présidentiel, avec les conditions rédhibitoires des deux parties, l’élection étant prisonnière d’une conjoncture régionale complexe et encore insoluble.