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Tout ne sera pas rose dans le spectacle qui attend Hollande

LA SITUATION

Fady NOUN |

Tout ne sera pas rose dans le spectacle qui attend le président François Hollande, demain à Beyrouth. Dans un Liban en crise, un Liban miné par la corruption et le populisme, les boursouflures constitutionnelles et les foyers de violence endémique, comme celui qui vient d’emporter un leader du Fateh à Aïn el-Héloué, ne pourront que lui sauter aux yeux. La mentalité étriquée qui a cours en ce moment est telle que ce sera le ministre de la Défense, Samir Mokbel, qui accueillera le chef de l’État français à sa descente d’avion. Pour la petite histoire, il faut savoir qu’il a été question que le président de la Chambre, Nabih Berry, et le Premier ministre, Tammam Salam, se rendent ensemble à l’aéroport, mais que l’idée a été abandonnée, de peur de « fâcher les chrétiens » …

La visite du président Hollande s’inscrira naturellement dans le cadre du forcing diplomatique déployé de toutes parts pour débloquer la présidentielle et faire redémarrer la vie des institutions. M. Hollande, qui prend quartier à la Résidence des Pins pour ses entretiens, rencontrera des personnalités de tous horizons. Le chef du bloc parlementaire du Hezbollah figurera-t-il au nombre de ces personnalités ? On n’en était pas encore certain hier soir, sachant que l’ambassadeur de France, Emmanuel Bonne, s’était ouvertement affiché au siège du Hezbollah, durant les préparatifs de la visite.

Une rose n’est pas une baguette magique, et en deux jours, M. Hollande ne pourra faire de miracles. Ses efforts rejoindront ceux que déploie en ce moment le chargé d’affaires américain, Richard Jones, qui a été reçu hier par Saad Hariri. Le diplomate a affirmé vouloir sonder tous les leaders sur deux échéances précises : les municipales et la présidentielle. Il s’est félicité de l’élan donné à la première échéance, qui ne semble se heurter à aucun obstacle, mais a déploré l’impasse persistante, le blocage total de l’échéance présidentielle. Le diplomate, qui a déjà rencontré Walid Joumblatt et Michel Aoun, poursuivra ses contacts au cours des prochains jours.

Salam et la abaya du roi Salmane
Il va sans dire que la crise locale est en partie l’otage du bras de fer régional entre l’Iran et l’Arabie saoudite, dont le Liban essuie en ce moment les redoutables conséquences. Alors que le Premier ministre prononçait un discours au sommet à l’organisation de la coopération islamique, à Istanbul, le patriarche maronite a eu la bonne idée de convoquer à Bkerké les ambassadeurs des pays du Golfe, dont celui de l’Arabie saoudite. Avec une image trop optimiste pour être vraie, le patriarche a parlé, après la rencontre, d’un « nuage d’été » qui assombrit les relations du Liban avec les pays du Golfe. Ce que le patriarche a cherché à faire, croit-on, c’est de convaincre ses interlocuteurs de ne pas mettre tous les Libanais dans le même sac.

Les diplomates, de leur côté, ont été rassurants. Tous les Libanais touchés par une mesure d’expulsion l’ont été pour des irrégularités, a relevé l’un des diplomates. Toutefois, les ambassadeurs n’ont pas caché leur sentiment d’hostilité à l’égard du Hezbollah, justifié selon eux par l’animosité que ce dernier parti fait preuve à l’encontre de l’Arabie saoudite. De fait, le Hezbollah a violemment dénoncé, hier, dans le communiqué publié après la réunion hebdomadaire de son bloc parlementaire, la décision des responsables du satellite NileSat de ne plus diffuser la station al-Manar et ses invectives antisaoudiennes. Une décision qui suit celle du satellite ArabSat allant dans la même direction. Le parti pro-iranien a même demandé au gouvernement de dénoncer cette « flagrante atteinte à la démocratie ».

Mais là où l’optimisme de façade de Bkerké semble avoir été le plus cruellement démenti, c’est à Istanbul, où le Premier ministre Tammam Salam a frôlé la abaya du roi Salmane d’Arabie, le temps d’un instantané photographique. Certains se sont complus à étirer ce frôlement pour en faire une rencontre. Mais non, aucune parole significative n’a été échangée entre les deux hommes et le monarque saoudien n’a pas fait mine de chercher à s’adresser au Premier ministre.

Les réfugiés…
Le risque que fait courir au Liban la présence massive de réfugiés syriens au Liban a été, à juste titre, l’un des thèmes majeurs de l’intervention de M. Salam. Comment ne le serait-il pas quand on sait que, selon des études de l’Onu, 35 % des populations déplacées par des guerres finissent par rester dans le pays d’accueil ? Comment éviter de penser au taux de natalité de la population syrienne réfugiée au Liban, où 70 000 nouveau-nés syriens ont été enregistrés en 2015, contre 40 000 nouveau-nés libanais ? Comment oublier que l’impact sur l’emploi des réfugiés syriens sur le niveau de l’emploi a porté le taux de chômage à 25 %, et que ce sont les catégories les plus vulnérables, celles des journaliers et des petits emplois, qui sont le plus affectées par cette concurrence ? Le ministre du Travail a demandé hier aux Libanais de boycotter les entreprises qui emploient plus d’étrangers que de Libanais. C’est faire endosser aux petits employeurs une responsabilité qu’ils sont incapables d’assumer, alors que les institutions prennent l’eau et que le navire coule…