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Deux ans après, FL et CPL pas prêts à rompre l’accord de Meerab

 

 

18 janvier 2016-18 janvier 2018. Deux longues années se sont écoulées depuis la signature de l’accord de Meerab entre le Courant patriotique libre et les Forces libanaises. Comme toute entente politique, cet accord a subi des secousses sérieuses qui ont menacé sa pérennité. Mêmes si les deux partis insistent sur le caractère « stratégique » de cette alliance, il reste que des observateurs ne cachent pas leurs craintes quant à des retombées négatives des désaccords entre les deux formations sur les alliances électorales lors du scrutin du 6 mai prochain.
Si cette entente tant attendue dans les rangs des deux formations a inauguré une ère de réconciliation interchrétienne, celle-ci a surtout réussi à mener le général Michel Aoun, alors chef du bloc parlementaire du Changement et de la Réforme, à la tête de l’État le 31 octobre 2016. À l’heure où nombreux sont ceux qui estiment que M. Aoun n’aurait pas été élu si Saad Hariri, chef du courant du Futur, n’avait pas appuyé sa candidature, dans les milieux chrétiens, on perçoit les choses sous un angle différent.
Par sa démarche, le chef des FL, Samir Geagea, aura ainsi réussi à prouver que les chrétiens sont capables de mener leur « représentant le plus fort » à la présidence de la République, dit-on dans ces milieux.

« Les pertes » des FL
Sauf que la première année du mandat Aoun a été marquée par l’apparition de plusieurs divergences entre les deux partis autour de plusieurs dossiers épineux. Il s’agit, notamment, du plan de production de l’électricité du ministre de l’Énergie et de l’Eau, César Abi Khalil (CPL), ainsi que du train de nominations et permutations judiciaires jugées monochromes en faveur du courant aouniste. Il y a aussi les tentatives de normaliser avec le régime syrien, par le biais de l’entretien du chef du CPL, Gebran Bassil (en sa qualité de ministre des Affaires étrangères), avec son homologue syrien, Walid Moallem, à New York, en marge des réunions de l’Assemblée générale des Nations unies.
Mais c’est surtout la crise politique déclenchée par la démission surprise du Premier ministre, Saad Hariri, annoncée le 4 novembre dernier depuis Riyad qui a fortement secoué les rapports entre Rabieh et Meerab. D’autant que, quelques jours auparavant, le chef des FL avait menacé de se retirer du cabinet Hariri « si l’on parvenait à normaliser les rapports avec le régime Assad », pour reprendre les termes de Samir Geagea.
Au moment où les deux auteurs de l’accord de Meerab, Melhem Riachi et Ibrahim Kanaan, respectivement ministre de l’Information (FL) et député aouniste du Metn, déploient de grands efforts pour réchauffer les rapports entre leurs formations, des observateurs politiques estiment que pendant les deux ans écoulés depuis la signature de l’accord, Meerab a subi de graves pertes tant sur le plan populaire qu’au niveau politique.
Expliquant ce constat, l’analyste politique Kamal Richa déclare à L’Orient-Le Jour que le parti de Samir Geagea n’a réussi qu’à calmer la rue chrétienne et a fait en sorte que ce soient les chrétiens qui décident des postes-clés qu’ils occupent. « Parallèlement, et en dépit de leur attachement à un discours souverainiste qu’elles n’ont pas modifié, les FL ont perdu leurs alliés traditionnels avec qui elles partagent les valeurs souverainistes. Il s’agit bien entendu des Kataëb, mais aussi des indépendants du 14 Mars », explique M. Richa. Ce dernier rappelle aussi qu’en dépit de leur opposition à certaines pratiques du gouvernement, les FL font toujours partie de l’équipe ministérielle, alors qu’elles devraient s’en retirer, par souci de cohérence.
C’est d’ailleurs ce que le chef des Kataëb, Samy Gemayel, avait laissé entendre jeudi lors d’une rencontre avec les médias. Évoquant le dialogue actuellement en cours entre son parti et celui de Samir Geagea, le député du Metn avait invité les FL à « prendre une position claire » sur ce plan.
À cela s’ajoute la relation perturbée entre Meerab et la Maison du Centre, à la suite de l’épisode de la démission de Saad Hariri. On en veut pour preuve le fait que le Premier ministre semble lui-même de plus en plus attaché à l’accord qu’il a conclu avec Michel Aoun en octobre 2016, même si cela peut lui causer de sérieuses secousses avec ses alliés traditionnels, dont notamment les FL.

Les législatives
À partir de ce point-là, Kamal Richa se livre à une analyse électorale des rapports entre les deux formations chrétiennes majoritaires. « Le rapprochement entre Michel Aoun et Saad Hariri a laissé des retombées négatives sur la situation des FL, dans la mesure où certaines voix sunnites seraient en faveur des listes du CPL, aux dépens de celles de Meerab », explique Kamal Richa, estimant, toutefois, qu’une éventuelle alliance avec les Marada de Sleiman Frangié dans la circonscription à dominante chrétienne du Liban-Nord (Bécharré-Zghorta-Koura-Batroun) aurait pour objectif de faire face au chef du courant aouniste, Gebran Bassil, dans son fief à Batroun.
Mais dans les milieux proches de Samir Geagea, on est catégorique à ce sujet : « Les FL ne visent pas à évincer M. Bassil. Elles sont actuellement dans une phase de dialogue pour organiser le désaccord avec son parti », assure un cadre FL à L’OLJ, avant de souligner qu’« en dépit de toutes les divergences ponctuelles, l’accord de Meerab a prouvé que la réconciliation interchrétienne est une ligne rouge à ne pas franchir ».
À une question portant sur une éventuelle alliance à caractère électoral avec les aounistes, le cadre FL estime qu’il est encore prématuré de discuter de ce sujet, faisant toutefois valoir que son parti mènera la campagne de Ziad Hawat (pour l’un des sièges maronites de Jbeil-Kesrouan), même si ce dernier ne fait pas l’unanimité chez les aounistes.
De même, les proches de Gebran Bassil semblent temporiser au sujet des rapprochements électoraux. Mais ils se félicitent de la pérennité de l’entente de Meerab. Contacté par L’OLJ, Nabil Nicolas, député du Metn, assure que « l’entente a répondu à un besoin chrétien, et elle n’est pas axée sur un partage du gâteau, mais sur un accord entre les deux partis ». « Il est très faux de prétendre que les FL ont mené Michel Aoun à la tête de l’État », ajoute-t-il, assurant qu’il s’agissait d’un « besoin national ».
Concernant un possible rapprochement entre les FL et les adversaires des aounistes au Liban-Nord, M. Nicolas se contente de répondre : Les FL sont « libres ».