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Entre le CPL et les FL, « une guerre d’élimination »… institutionnelle ?

Il ne manquait aux relations perturbées entre le Courant patriotique libre et les Forces libanaises que l’échec de Meerab à mener Fadi Saad, député nouvellement élu de Batroun, au bureau de la Chambre issue des élections législatives tenues le 6 mai.
Outre le fait que ce résultat signifie qu’en dépit de son bloc parlementaire dont l’effectif se chiffre à 15 députés, le parti de Samir Geagea s’est trouvé écarté du principal centre de décision parlementaire, l’affaire Fadi Saad (lire par ailleurs) revêt une importance certaine. Et pour cause : elle intervient à l’heure où les relations entre Rabieh et Meerab passent par de sérieuses secousses. Celles-ci ne semblent pas toutefois menacer l’accord de Meerab conclu le 18 janvier 2016 entre les deux partis.
En guise de rappel, les deux formations chrétiennes majoritaires avaient divergé sur nombre de dossiers importants évoqués en Conseil des ministres. Il s’agissait notamment des navires-centrales auxquels les aounistes se sont longtemps attachés, contrairement à leurs partenaires de la « réconciliation interchrétienne » qui s’y étaient farouchement opposés. À cela s’ajoutent aussi les nominations judiciaires d’octobre 2017, jugées monochromes en faveur du CPL.

Une guerre des envergures
Ces divergences entre les partis dirigés par Samir Geagea et Gebran Bassil, doublées des calculs dictés par la nouvelle loi électorale, les ont conduits à mener leurs batailles électorales en solo dans toutes les circonscriptions. Les deux partis avaient perçu dans le scrutin une opportunité de s’affirmer comme les représentants les « plus forts » des chrétiens. Un pari gagné tant pour les aounistes que pour les proches de Samir Geagea. D’autant que les FL sont parvenues à faire passer le nombre de leurs députés de huit à quinze. Elles ont même créé des surprises en remportant des sièges au Mont-Liban I (Ziad Hawat à Jbeil et Chawki Daccache au Kesrouan).
Quant au CPL, il est finalement parvenu à mener son chef Gebran Bassil à l’hémicycle et à opérer des percées significatives à Beyrouth I, mais aussi et surtout dans la circonscription du Chouf-Aley. La formation de Gebran Bassil a cependant enregistré d’importantes pertes, notamment au Mont-Liban I dont elle monopolisait la représentation parlementaire depuis 2005.
Ce tableau fait dire à certains observateurs politiques que le CPL et les FL se sont livrés, lors des législatives, à une « guerre » dont l’issue devrait déterminer le poids de chacun dans la rue chrétienne.
Mais pour les milieux FL, les troubles observés récemment avec le CPL vont au-delà de la compétition électorale. Ils s’inscrivent dans le cadre d’une tentative d’imposer un blocus institutionnel aux FL. C’est ce point de vue que présente à L’Orient-Le Jour un cadre du parti. Il en veut pour preuve le fait que les aounistes ont écarté les FL du bureau de la Chambre, après avoir attaqué le ministre sortant des Affaires sociales, Pierre Bou Assi, au sujet des réfugiés syriens. Il ajoute aussi le veto que le chef du CPL a brandi contre toute tentative d’accorder le ministère de l’Énergie et de l’Eau à une personne gravitant dans l’orbite de M. Geagea.
« En dépit de notre poids parlementaire, Gebran Bassil veut bloquer l’action institutionnelle du parti, pour des motifs qui seraient probablement liés à la présidentielle de 2022 », déclare-t-il sans détour. Mais il s’empresse toutefois de préciser que son parti continuera à se défendre seulement quand il subit une attaque ponctuelle, dans la mesure où personne n’a intérêt à porter atteinte à la réconciliation initiée par l’entente de Meerab.
Du côté du CPL, on semble soucieux de mettre les points sur les i, insistant sur l’attachement à l’entente de Meerab. Contacté par L’OLJ, Alain Aoun, député de Baabda, tient à assurer que son parti voudrait préserver l’entente de Meerab. « Mais cela n’occulte aucunement le fait que les désaccords observés actuellement sont liés principalement aux résultats des élections législatives », note-t-il, avant d’ajouter : « Personne ne fait des cadeaux en période électorale. Et le poids parlementaire des FL ne leur permet pas d’obtenir la vice-présidence de la Chambre. Preuve en est, leur candidat (le député Anis Nassar) a perdu la bataille. » « Nous avions cru que les élections du 6 mai avaient mis fin à la guerre des poids. Mais il semble qu’elle se poursuit. Le plus dur reste à faire lors des négociations de formation du prochain gouvernement », ajoute encore Alain Aoun.
Mais, bien au-delà de la « guerre d’influence » entre les deux formations, un observateur politique contacté par L’OLJ estime que les troubles entre elles ne sont qu’une nouvelle « guerre d’élimination » institutionnelle. D’autant que, selon lui, « le CPL est parvenu à écarter les FL du bureau de la Chambre. Une action qui ne peut être dissociée des tentatives aounistes de contrôler les institutions de l’État ». Et de conclure : « L’accord de Meerab ne tient plus et Gebran Bassil ne peut vivre que dans l’adversité. Il a trouvé dans les FL une proie facile, dans la mesure où il ne peut pas s’en prendre à Saad Hariri, encore moins à Nabih Berry. »