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Interpellé par le Hezbollah, Salamé persiste et « clarifie »

Près d’une semaine après avoir été accusé de manière inhabituellement virulente par le Hezbollah d’être subordonné au Trésor américain dans l’application des sanctions contre le parti chiite, le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, a publié hier un communiqué visant à justifier et « clarifier » les mesures prises par la BDL. « La loi promulguée aux États-Unis (…) doit être mise en vigueur partout dans le monde et au Liban. (…) La BDL est tenue d’assurer la stabilité du crédit (qui) ne peut être assurée sans l’application de cette loi américaine », a plaidé M. Salamé.
Le 3 mai dernier, la BDL a émis une circulaire (n° 137) définissant les modalités d’application par le secteur bancaire des sanctions prévues contre le parti chiite et ses soutiens financiers par le Hezbollah International Financing Prevention Act of 2015 (Hifpa 2015), voté en décembre dernier par le Congrès américain. Le 12 mai, le bloc de la Fidélité à la résistance (BFR), regroupant 14 députés liés au Hezbollah, avait accusé dans un communiqué la BDL et des banques (non identifiées) « de contribuer à attiser la guerre d’élimination lancée par les États-Unis contre le Hezbollah ».

Protéger les déposants
Pour le gouverneur de la BDL, l’émission de cette circulaire avait notamment pour but d’éviter de voir les banques correspondantes appliquer une politique d’atténuation des risques (« derisking ») en cessant leurs opérations avec les banques libanaises. Une pratique qui aurait eu « pour conséquence d’isoler notre secteur bancaire du reste du monde, alors que le financement du Liban repose essentiellement sur les transferts des expatriés et non-résidents, et que les résidents ont besoin de relations bancaires globales et continues avec l’étranger pour financer les importations et exportations et les besoins des individus et ménages », a-t-il averti. Les remises des émigrés, qui constituent la grande majorité des flux de capitaux à destination du Liban, ont atteint à 7,16 milliards de dollars en 2015 (-3,3 %), selon la Banque mondiale.
M. Salamé a ensuite rappelé que la circulaire vise à protéger les déposants d’une application arbitraire de la Hifpa 2015, en imposant aux banques de justifier de la fermeture ou de la non-ouverture d’un compte en vertu de cette loi auprès de la Commission d’enquête spéciale (également appelée Commission spéciale d’investigation, CSI). « Légalement, cette (autorité indépendante) est la seule habilitée à accéder aux comptes créditeurs et débiteurs, sans que lui soit opposé le secret bancaire », a-t-il justifié.

 

(Pour mémoire: Salamé : Les salaires des députés du Hezbollah ne seront pas visés par les sanctions US)
À l’exception des comptes appartenant aux 99 personnes ou institutions présentes sur la liste noire mise à jour le 15 avril dernier par le Bureau de contrôle des avoirs étrangers (OFAC) du Trésor américain, « la CSI s’est accordée sur des principes de base (permettant à la BDL de) suivre de près l’attitude des banques vis-à-vis de leurs clients relativement à l’application de la circulaire n° 137 », a indiqué M. Salamé avant d’ajouter que « leur transposition dans le cadre d’une circulaire émise par la CSI ne saurait tarder (et aura) un effet rétroactif (au 3 mai dernier) ».
Ces principes prévoient notamment que « les banques qui désirent fermer des comptes appartenant à des institutions ou personnes qu’elles considèrent comme enfreignant la loi américaine doivent présenter une justification avant de fermer le compte, (qui inclut) l’activité de (ce) compte (fréquence/volume) », a rappelé M. Salamé, avant de préciser que « la banque doit attendre la réponse de la CSI avant de procéder à la fermeture du compte. Si cette réponse ne lui parvient pas dans un délai de 30 jours, elle agira alors sous sa propre responsabilité » ; et qu’« en cas de besoin, les banques et la CSI peuvent se référer à la commission bancaire supérieure dont les décisions, selon les lois libanaises, ne font l’objet d’aucun recours ».

 

(Pour mémoire : Sanctions contre le Hezbollah : la BDL veut éviter les abus)
Parallèlement, le président de l’Association des banques du Liban (ABL), Joseph Torbey, a déclaré après une rencontre avec le ministre des Finances Ali Hassan Khalil qu’il n’y avait, sur ce sujet, « aucune différence entre la position des banques et (celles) du gouvernement libanais et de la BDL ». Justifiant à son tour l’application des sanctions comme un prix à payer pour le maintien des banques dans le système international, M. Torbey a en outre considéré que la demande des députés du BFR de revoir les circulaires afin qu’elles soient « conformes à la souveraineté nationale » était « irréaliste » et que les banques libanaises « sont également présentes dans 33 autres pays ». Un avis de non-recevoir qui rejoint celui de M. Salamé qui a conclu son communiqué ainsi : « Telle est notre politique et le restera. »