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Le Liban menacé par une nouvelle liste noire des paradis fiscaux ?

 

Selon le journal « Le Monde », la liste devant être établie en juillet par l’OCDE risque d’inclure le Liban, qui ne remplirait aucun des critères de coopération exigés, malgré ses récents efforts.

Céline HADDAD | 

Alors que depuis des mois les autorités libanaises se félicitent de la mise en conformité du Liban avec les principaux standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale, l’onde de choc mondiale provoquée par les « Panama papers » pourrait changer la donne.
Dans un communiqué publié vendredi dernier, le G20-Finances a réaffirmé « l’importance prioritaire accordée à la transparence financière » et demande notamment à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d’identifier d’ici à juillet les paradis fiscaux qui refusent de coopérer avec la communauté internationale. « Des mesures contraignantes seront envisagées par les membres du G20 », ajoute le communiqué sans plus de détails. Or, selon un article paru samedi dans le quotidien français Le Monde, le Liban est « menacé de figurer sur (cette) future liste noire » avec deux autres pays – le Panama et l’archipel du Vanuatu. « Selon les recoupements que Le Monde a pu effectuer, ces trois pays sont les seuls à ne respecter pleinement, à ce jour, aucun des trois grands critères objectifs utilisés par l’OCDE pour évaluer la qualité de la coopération fiscale internationale », ajoute le quotidien.

« Qualité des échanges »
Contacté par L’Orient-Le Jour, le service de presse de l’OCDE n’était pas en mesure de confirmer la préparation d’une nouvelle liste ou ses critères, mais a simplement indiqué que l’organisation « ne tenait pas de listes noires (depuis 2009, NDLR) pour ne pas stigmatiser les pays qui font des efforts. » Également contacté, le ministère des Finances n’a pas souhaité commenter ces informations, avançant une absence d’autorisation préalable du ministre, Ali Hassan Khalil.

Le premier critère mis en avant par Le Monde porte sur « la qualité actuelle des échanges d’informations à la demande. » Pourtant, si le Liban ne possédait aucun mécanisme d’échange d’informations fiscales jusqu’en 2015, la loi libanaise permet désormais la fourniture d’informations sur demande. Le Liban avait ainsi adopté en novembre dernier – en sus de deux lois portant respectivement sur le transport de sommes en numéraires et l’élargissement du crime de blanchiment d’argent – une loi (n° 43) permettant dorénavant à un pays tiers de demander à la Commission d’enquête spéciale (également appelée Commission spéciale d’investigation, CSI), chargée d’enquêter sur les transactions suspectées de blanchiment, d’étendre son champ d’action pour pouvoir également lever le secret bancaire concernant une personne physique ou morale, sur laquelle pèseraient des soupçons sérieux d’évasion fiscale.

Cependant, le service de presse de l’OCDE a rappelé que « le Liban n’a toujours pas un cadre législatif et réglementaire suffisant et est bloqué à la phase 1 du processus d’examen par les pairs », confirmant une liste du Forum mondial datant de mars 2016 dans laquelle le Liban fait toujours partie d’un groupe de huit juridictions – incluant le Vanuatu mais pas le Panama – se trouvant dans cette situation. Après avoir dépassé la phase 1, les pays s’engagent normalement dans la phase 2 du processus d’examen, dans le cadre duquel est évaluée la réelle efficacité des échanges de renseignements sur demande. Par la suite, les juridictions sont alors jugées « conformes », « largement conformes » ou « partiellement conformes. » L’OCDE n’était pas en mesure d’expliquer pourquoi la nouvelle législation libanaise n’était pas suffisante pour passer l’examen de la phase 1. « Peut-être que la loi votée est trop restrictive, aux yeux de l’OCDE, notamment sur le fait que la personne visée par la demande d’informations doive faire l’objet de graves soupçons ? » s’interroge l’avocat fiscaliste Karim Daher.

 

« Reddition »
D’après Le Monde, le second critère que l’OCDE prendrait en compte pour l’élaboration de sa liste noire est « l’existence ou non d’une convention multilatérale dûment signée sur l’échange de renseignements ». Développé conjointement par l’OCDE et le Conseil de l’Europe, ce cadre juridique permet une coopération des administrations fiscales au-delà des frontières sans violer la souveraineté d’autres pays ou les droits des contribuables. « Le Liban a déjà signé 52 conventions bilatérales sur ce point, notamment avec les 4 pays du G5 hormis le Royaume-Uni. En revanche, je ne crois pas qu’il y ait à ce jour des négociations pour devenir signataire de cette convention multilatérale », indique Me Daher.

Enfin, troisième critère selon Le Monde : « L’existence ou non d’un engagement desdits pays à passer à l’échange automatique d’informations, en 2017 ou en 2018. » Alors que 98 juridictions – dont le Vanuatu – se sont déjà engagées à mettre en œuvre la Norme commune de déclaration relative à l’échange automatique de renseignements adoptée par le G20 en 2014, le Liban n’a jamais prévu de franchir ce pas, qui signifierait la disparition totale de son secret bancaire. « L’échange automatique d’informations porterait atteinte à la souveraineté du Liban : un échange d’informations constitue en réalité une reddition sans conditions », fustige Me Daher, avant de conclure : « La pression faite sur le Liban est énorme et c’est très dangereux. Si tout le monde est fiché, nous allons faire peur au peu d’investisseurs qu’il nous reste et si les textes déjà adoptés par le Liban ne sont pas suffisants pour l’OCDE, qu’ils nous notifient exactement là où se trouve le problème… »