IMLebanon

Les FL mettent le CPL au pied du mur

Yara ABI AKL

Il est évident que les relations entre le Courant patriotique libre et les Forces libanaises se détériorent de plus en plus. La publication jeudi, par les FL, du volet politique de l’entente conclue entre les deux partis, le 18 janvier 2016, en est la preuve la plus éclatante. Mais si la formation de M. Geagea a rendu public le document pour justifier ses prises de position, elle a, surtout, mis le parti de Gebran Bassil au pied du mur quant au respect de ses engagements, notamment en ce qui concerne le partage des postes ministériels et administratifs que l’accord partage à égalité entre les deux partis. Mais les aounistes tentent de minimiser l’impact de ce nouveau chapitre de leur querelle avec Meerab : il y a plusieurs façons de régler ce désaccord, dit-on dans les milieux CPL.
Bien au-delà des rapports entre les deux partis, il va sans dire que cette nouvelle phase du désaccord entre les partis de Samir Geagea et Gebran Bassil retardera davantage la mise sur pied de la future équipe ministérielle. Ce qui semble certain, c’est qu’elle a anéanti les chances de la tenue d’une rencontre entre MM. Geagea et Bassil qui devait avoir lieu prochainement pour tenter de défaire le nœud chrétien lié à la représentation respective des deux partis au sein de l’équipe Hariri. C’est en tout cas ce qu’indique à L’Orient-Le Jour Fadi Saad, député FL de Batroun. « Cette rencontre était, de toute façon, peu probable », note-il avant de faire valoir que, pour les FL, il revient au Premier ministre désigné de former le cabinet. Une allusion à peine voilée à l’interventionnisme de Gebran Bassil, que les FL jugent intempestif, dans le processus de formation du prochain gouvernement.
Sur ce plan, le député de Batroun explique que son parti s’est vu dans l’obligation de rendre public le texte de l’accord de Meerab parce qu’il est temps que l’opinion publique soit au courant de cette entente.
M. Saad tient, toutefois, à insister sur le caractère pérenne de la réconciliation interchrétienne de 2016 scellée par l’entente de Meerab. « Cet accord a tourné une page sanglante entre les deux partis », souligne le député de Batroun.
En face, les aounistes établissent, eux aussi, cette nette distinction entre le volet politique de l’entente et celui articulé autour des rapports entre les bases populaires des deux formations. Même si les différends CPL-FL poussent leurs partisans à des querelles virtuelles sur les réseaux sociaux. Si le parti de M. Bassil semble avoir décidé de ne pas alimenter la toute nouvelle polémique l’opposant à son partenaire chrétien, certains proches des milieux aounistes semblent optimistes. Il y a mille et une façons de raviver l’entente de Meerab, assure-t-on. On va même encore plus loin. Cette nouvelle phase de désaccord pourrait ralentir le processus de mise sur pied du nouveau gouvernement. Mais on a amplement le temps pour former une nouvelle équipe ministérielle.

Motifs régionaux
Sauf qu’un observateur politique interrogé par L’OLJ ne perçoit pas les choses sous cet angle. Loin de là. Il semble conscient de la difficulté de surmonter l’obstacle chrétien généré par le désaccord CPL-FL. « En publiant une partie du document de Meerab, le parti de Samir Geagea a rompu ses liens avec Gebran Bassil. Michel Aoun ne peut donc plus se permettre de renvoyer la balle du futur cabinet dans le camp du chef du CPL. Il devrait intervenir personnellement pour mettre le train sur les rails une bonne fois pour toutes », explique-t-il.
Mais, contrairement à ce qu’on serait tenté de croire, cet observateur place la lenteur au niveau du gouvernement dans un contexte plus large lié aux développements régionaux. Selon lui, c’est dans ce cadre qu’il conviendrait de placer les propos tenus jeudi par Ali Hassan Khalil, ministre sortant des Finances (Amal), qui a lancé : « Ne nous poussez pas à revoir nos calculs conformément à des critères que vous avez posés », dans ce qui sonne comme un message direct aux personnes concernées par les négociations gouvernementales. « Cela prouve que le tandem chiite, en particulier le Hezbollah, n’est pas pressé de former la nouvelle équipe ministérielle », dit l’observateur. Selon lui, c’est ainsi que l’on pourrait expliquer l’attachement des députés sunnites non haririens à prendre part au gouvernement. Abdel Rahim Mrad, député de la Békaa-Ouest, est d’ailleurs revenu à la charge hier à ce sujet. S’exprimant lors d’une cérémonie de remise de diplômes à Tyr, M. Mrad a déclaré : « Nous sommes dix députés sunnites (non haririens). Nous devons être représentés par deux ministres. » « S’ils estiment que nous sommes six (sans Nagib Mikati, Oussama Saad, Bilal Abdallah et Fouad Makhzoumi), nous avons le droit à un ministre », a-t-il ajouté, stigmatisant par la même occasion « les tentatives de priver 40 % des sunnites de leur représentation ».

« Un gouvernement sans nous : chiche ! »
Outre les nœuds sunnite et chrétien, le Premier ministre désigné devra s’employer à franchir l’entrave née de l’attachement du chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, à ce qu’il appelle (son) « droit » à monopoliser les trois sièges druzes dans une formule de trente. En face, les aounistes insistent sur le fait que le chef du Parti démocrate libanais Talal Arslane – principal rival de M. Joumblatt sur la scène druze – prenne part au gouvernement Hariri. Après la rencontre tenue mercredi à Baabda entre Michel Aoun et Walid Joumblatt – à l’initiative du premier –, nombreuses sont les interrogations autour de la possibilité de voir le PSP se ranger parmi les opposants. Mais Ghazi Aridi, ancien député joumblattiste de Beyrouth, se veut catégorique : « Former un gouvernement sans nous : chiche ! » lance-t-il dans un entretien accordé à L’OLJ, avant d’assurer que son parti n’est aucunement en mesure de faire des concessions au sujet de sa quote-part gouvernementale. « D’autant que nous ne faisons que respecter les résultats des législatives », ajoute Ghazi Aridi.