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Coup sur coup, la mémoire de la guerre se réveille

 

Fady NOUN 

D’une affaire à l’autre, les traumatismes de la guerre ressurgissent. Après les propos irréfléchis de Gebran Bassil, qui ont réveillé les souvenirs de la guerre de la Montagne en 1982, jugée « inachevée » par le ministre des Affaires étrangères, c’était au tour du jugement de la Cour de justice dans l’affaire de l’assassinat du président élu Bachir Gemayel, le 14 septembre 1982, de rouvrir un débat aussi vieux que l’indépendance entre les différents partis représentatifs des chrétiens et le PSNS.

Même si nous n’avons pas accompli notre devoir de mémoire, il ne faut pas s’en alarmer outre mesure, assurent des sources bien informées. Le jugement rendu par la Cour de justice incrimine un membre du PSNS, mais ne parle nulle part de ce parti. Ses dirigeants, d’ailleurs, ont pris bien soin de se démarquer des manifestations qui ont marqué la parution du jugement et aucun d’eux n’a été aperçu dans la rue. Enfin, un responsable du PSNS, a-t-on appris, a dénoncé la menace écrite à gros traits noirs sur un mur de Achkout (Kesrouan), contre le président de la Cour de justice Jean Fahd.

Dans les milieux officiels, on assure que le jugement rendu dans l’affaire Bachir Gemayel a pour objectif, comme toute justice véritable, de rétablir la paix sociale et non de la mettre en péril. Réparation morale a été donnée aux proches du président assassiné et des seize personnes qui ont trouvé la mort dans l’attentat terroriste d’Achrafieh. On peut donc tourner la page de ce traumatisme et c’est ainsi d’ailleurs que l’a compris Nadim Gemayel.

Il reste que le Hezbollah a profité de la brèche ouverte par les manifestants du PSNS (que certains chefs de ce parti ont été jusqu’à assimiler à « une cinquième colonne » ), pour condamner, à l’instar de Naïm Kassem, le fait même d’avoir songé par le passé à faire alliance avec Israël, contre les forces palestiniennes.
Il y a là une tentation totalitaire, comme l’explique l’essayiste Marcel Gauchet dans l’édition de dimanche du quotidien Le Figaro. « C’est un phénomène idéologique dont il faut bien mesurer le sens. La démarche prétend mettre le passé à la disposition du présent. Or, que vous l’aimiez ou non, Colbert fait partie de l’histoire de France. Nous dépendons d’un héritage qui s’impose à nous. Nous avons le droit d’y jeter un regard critique, et éventuellement d’en prendre le contre-pied dans nos choix du présent, mais nous n’avons pas le droit de l’effacer. L’idée que le passé est plastique et qu’il peut être remodelé à volonté est une idée totalitaire. »
On ne peut effectivement pas juger le passé avec les critères d’aujourd’hui et il nous faut finir une fois pour toutes avec la culture de la violence et le droit que s’arrogent certains d’éliminer ceux qui ne sont pas de leur avis. Tout le discours de Nadim Gemayel, vendredi, allait d’ailleurs dans ce sens.
FL vs CPL

En attendant, et poursuivant sur sa lancée après avoir voté le budget 2017 (déjà dépensé), le pouvoir s’apprête à examiner à partir de cette semaine le budget 2018. Le ministre des Finances estime qu’il devrait en avoir fini avant la fin du mois. Toute cette mise en ordre s’inscrit, aux yeux des responsables, dans le cadre des trois congrès amicaux qui doivent se tenir cet hiver à Paris, à Rome et en Allemagne, pour débattre notamment des aides aux déplacés et à l’armée, ainsi qu’à l’économie libanaise en général. Sachant par ailleurs que le général Joseph Aoun est en ce moment l’invité du gouvernement américain.
La semaine sera également mise à profit par le chef de l’État pour peaufiner le discours qu’il compte prononcer le 31 octobre, premier anniversaire de son élection. Le président Aoun interrompra ce travail pour recevoir aujourd’hui le gouverneur général d’Australie Peter Cosgrove et son épouse Lynne, arrivés hier en visite officielle au Liban.

On attend enfin le retour au Liban de Samir Geagea, en tournée en Australie, pour juger du sérieux des menaces de démission ministérielles vaguement colportées dans les milieux des Forces libanaises, que de sérieuses divergences opposent au Courant patriotique libre sur plusieurs dossiers, à commencer par celui de l’électricité, pour finir par celui de la politique étrangère et de la normalisation avec Damas. Il y a aussi, croit-on savoir, une sorte de bras de fer entre les FL et le CPL au sujet de certaines nominations administratives, en particulier à Télé Liban et à l’Agence nationale d’information. En tout état de cause, le ministre de l’Information Melhem Riachi a affirmé hier que « rien ne justifie des démissions » dans l’immédiat et que « la question, qui est du ressort exclusif du chef du parti, sera soulevée en temps utile ».