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Ambassade du Liban à Jérusalem : projet ambitieux ou surenchère politique ?

Yara ABI AKL

Au lendemain de l’appel lancé par l’Organisation de la coopération islamique (OCI) à reconnaître Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine en réponse à la décision américaine de considérer la Ville sainte capitale d’Israël, le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, a voulu aller plus loin. Il a soumis au Conseil des ministres tenu hier à Baabda une demande d’ouverture d’une ambassade du Liban (auprès de la Palestine) à Jérusalem.
Mais le gouvernement s’est contenté de former une commission ministérielle pour étudier cette proposition. De source informée, on apprend que ce comité présidé par le chef du gouvernement, Saad Hariri, comprend les ministres : Gebran Bassil, Salim Jreissati (Justice, bloc aouniste), Ali Hassan Khalil (Finances, Amal), Mohammad Fneich (Jeunesse et Sports, Hezbollah), Marwan Hamadé (Éducation, bloc Joumblatt) et Nouhad Machnouk (Intérieur, courant du Futur).
Si la proposition de M. Bassil, qui intervient une semaine après la décision américaine, tend à montrer que le Liban officiel reste à la pointe du combat pour la cause palestinienne, il n’empêche qu’aux yeux de nombreux observateurs, elle reflète surtout un manque de réalisme politique. « Une décision d’une aussi grande importance devrait être exécutée en collaboration avec d’autres pays, et non d’une manière unilatérale », déclare à L’Orient-Le Jour un ministre qui a requis l’anonymat. Se félicitant de ce qu’il appelle « une bonne idée » présentée par Gebran Bassil, le ministre a mis en garde contre la « surenchère politique » qui ressort de telles initiatives.

Le Hezbollah réclame des explications
De même, le Hezbollah et le Parti syrien national social, dont pourtant les positions radicales au sujet du conflit avec Israël ne sont plus à démontrer, se montrent eux-mêmes prudents face à la proposition de Bassil. Ils réclament ainsi des explications liées à la possibilité effective de mettre sur pied une ambassade du Liban à Jérusalem.
Interrogé par L’OLJ, l’un des deux ministres du Hezbollah au sein du gouvernement, Mohammad Fneich, a démenti des informations qui ont circulé hier dans les médias et selon lesquelles le parti chiite aurait exprimé des réserves face à l’initiative de Gebran Bassil, dans la mesure où elle prévoit l’établissement de l’ambassade à Jérusalem-Est et que cela équivaudrait à reconnaître le secteur ouest de la Ville sainte comme territoire israélien.
« Le Hezbollah considère que le territoire palestinien est indivisible. Mais nous ne demandons (à M. Bassil) que quelques explications qui seront examinées en long et en large par la commission ministérielle », rectifie M. Fneich. Le ministre des Affaires étrangères défend naturellement son point de vue, en dépit des réserves formulées à son encontre ici et là. Ces remarques portent sur les modalités de nomination du futur ambassadeur du Liban à Jérusalem mais aussi des fonctionnaires de l’ambassade. On fait notamment remarquer que nul ne peut enter à Jérusalem sans l’approbation des autorités israéliennes, ce qui rend difficile l’exécution du projet.
Ne voulant pas répondre explicitement aux critiques, un proche de M. Bassil affirme, via L’OLJ, que le ministre ne fait que donner le coup d’envoi à la mise en application d’une décision gouvernementale, prise le 27 novembre 2008. Ce texte stipule l’établissement de relations diplomatiques entre le Liban et la Palestine. Et en vertu du même texte, le Conseil des ministres devrait fixer la date de la mise en place de ces relations, souligne ce proche.
Notons enfin que Gebran Bassil a annoncé hier sur son compte Twitter qu’il s’est entendu avec le président palestinien, Mahmoud Abbas (rencontré en marge du sommet islamique d’Istanbul), sur un échange de terrains entre les deux États pour la construction des ambassades.