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Les candidatures d’Amal et du Hezbollah : beaucoup de partisans, peu de changements

 

 

Le mouvement Amal et le Hezbollah ont ouvert hier le bal des candidatures en annonçant leurs listes de candidats partisans dans les différentes régions. Les deux formations ont sérieusement contribué, ce faisant, à planter le décor de la prochaine bataille électorale. Parmi les grandes formations, seul le Rassemblement démocratique de Walid Joumblatt avait en effet dévoilé, jusqu’alors, la liste de l’ensemble de ses candidats, il y a quelques jours. D’aucuns auront noté la synchronie presque parfaite entre le chef du mouvement Amal, Nabih Berry, et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui ont procédé aux annonces de candidatures le même jour, à quelques heures d’intervalle. L’occasion de prouver qu’ils sont bien en effet « un seul homme dans deux corps », comme l’avait dit le président de la Chambre le 24 octobre dernier dans un entretien au quotidien al-Ittihad, disparu prématurément avec son fondateur, Moustapha Nasser. Le secrétaire général adjoint du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem, avait déjà donné le ton fin janvier en annonçant publiquement l’alliance du Hezbollah avec Amal dans toutes les circonscriptions électorales.

 

Amal

C’est dans le cadre d’une conférence de presse à Aïn el-Tiné que Nabih Berry a dévoilé les noms des 16 candidats – dont lui-même – qui représenteront Amal aux prochaines législatives. Des candidats qui seront, pour la plupart, des revenants.

Dans la circonscription de Tyr-Zahrani, M. Berry briguera de nouveau l’un des sièges chiites aux côtés de trois députés sortants, Michel Moussa (grec-catholique), Ali Khreiss et Ali Osseirane (chiites), rejoints par une femme, nouvelle venue dans le monde des joutes électorales : l’actuelle ministre d’État au Développement administratif, Inaya Ezzeddine (chiite), qui remplacera comme candidate le député sortant Abdel Magid Saleh.

Dans la circonscription de Bint Jbeil, Nabatiyé, Marjeyoun-Hasbaya, les sept candidats d’Amal seront tous des députés sortants : Ayoub Hmayyed, Ali Bazzi, Yassine Jaber, Hani Kobeissi et Ali Hassan Khalil (chiites), Anouar el-Khalil (druze) et Kassem Hachem (sunnite). Il convient de signaler que M. Berry a choisi le député sortant à l’un des deux sièges chiites de Beyrouth II, Hani Kobeissi, pour remplacer la candidature d’un grand ténor qui met fin à une longue carrière parlementaire, le doyen de la Chambre actuelle, Abdel Latif Zein (85 ans et député depuis 1962).

Dans la circonscription de Rachaya-Békaa-Ouest – où le siège chiite est occupé depuis 2009 par un ancien de la Gauche démocratique qui a rejoint depuis longtemps les rangs du bloc du Futur, Amine Wehbé –, le candidat d’Amal sera cette fois Mohammad Nasrallah (originaire de Tyr et président du conseil exécutif d’Amal), qui remplace ainsi Nasser Nasrallah (lequel avait été élu député en 2005 dans le cadre de l’accord quadripartite conclu à l’époque).

Dans la circonscription de Baalbeck-Hermel, le choix de M. Berry pour l’un des sièges chiites de la région s’est encore une fois porté sur un député sortant : le ministre de l’Agriculture Ghazi Zeaïter.

À Beyrouth II, Amal présente Mohammad Khawaja, responsable de la section de Beyrouth au sein de la formation, à l’un des deux sièges chiites de la circonscription. Il était question d’une candidature du journaliste Salem Zahran, mais elle n’a pas été annoncée et semble improbable, puisque le Hezbollah a également fixé hier son choix sur un candidat pour l’autre siège chiite, actuellement occupé par Ghazi Youssef (courant du Futur).

À Baabda, enfin, le choix de M. Berry s’est porté, en lieu et place du député sortant Bilal Farhat, sur une nouvelle figure issue des milieux aounistes, Fadi Alamé, originaire de Haret Hreik, et dont le père dirigeait l’hôpital al-Sahel.

 

Un choix de plus en plus restrictif

Outre le manque de renouvellement des élites politiques, deux paramètres – qui se rejoignent – sont à relever dans les candidatures avancées hier par M. Berry. Il a d’abord considéré tous les candidats, même ceux qu’il considérait autrefois comme des alliés de la formation, disposant de leur propre sphère d’influence, sans pour autant en être membres, à l’instar de Yassine Jaber, Michel Moussa, Kassem Hachem ou Anouar el-Khalil, comme des candidats « amalistes » stricto sensu. La seule exception à la règle serait à Jezzine, où M. Berry a respecté le caractère indépendant du fils de l’ancien député Samir Azar, Ibrahim Azar, candidat maronite, qu’il n’a pas intégré à ses listes.

Il a remplacé ensuite la plupart des candidats sortants par des responsables au sein de la formation, même pour ce qui est du siège qu’occupait le ténor Abdel Latif Zein, la seule exception étant le candidat à Baabda, Fadi Alamé, qui disposerait d’une certaine assise au sein de la société civile. Ce qui fait dire à un analyste politique chiite que « le tandem chiite restreint de plus en plus la communauté à la taille de leurs partisans stricto sensu » dans une tentative d’accaparer encore plus le contrôle sans plus laisser de marge de manœuvre. Cet analyste en veut pour preuve une grosse différence entre les candidatures lors des législatives de 1992, où les mêmes partis prenaient encore en compte la société civile et les élites traditionnelles, à celles de 2018, où il n’y a plus qu’Amal et le Hezbollah qui comptent.

Le chef du Parlement a ensuite donné lecture d’un programme en quatorze points pour les prochaines législatives, qui comprend notamment « le respect de la Constitution et du document d’entente nationale », « la préservation de l’unité et de la souveraineté du Liban et ses frontières pour faire face à l’agression israélienne et à son autre visage qui est le terrorisme takfiriste », « la formation d’un comité national pour supprimer le confessionnalisme tel que prévu par la Constitution », « le renforcement de l’armée libanaise en nombre et en équipement », « l’attachement au triptyque armée-peuple-résistance et au projet de la résistance telle que constituée par l’imam Moussa Sadr et qui a libéré des parcelles chères à notre terre et qui continue à faire face à Israël », « l’investissement dans la question de l’extraction des ressources, que ce soit le pétrole ou le gaz, et la création d’un fonds souverain », ou encore « la refondation du ministère des Émigrés afin que soit réalisée la véritable participation politique pour tous les citoyens porteurs de la nationalité libanaise ».

 

Le Hezbollah

En début de soirée, c’était au tour du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, d’annoncer ses candidats pour le scrutin du 6 mai prochain. Il a toutefois remis à plus tard l’annonce du programme électoral et des alliances du parti, dans l’attente de l’officialisation des listes des candidats. Là aussi, la plupart des figures du Hezbollah sont des revenants ou des responsables partisans, dans la même logique de restreindre autant que possible la marge de manœuvre des députés. « Il s’agit en fait d’une volonté d’imposer des personnalités qui auront un sens aigu de la discipline et qui exécuteront intégralement les ordres qui leur seront donnés », affirme ainsi un analyste politique chiite, sans détour. Mais le Hezbollah se montre comme d’habitude plus soucieux de susciter un changement parmi ses élites partisanes que le mouvement Amal, ce qui prouverait qu’il dispose de plus de latitude dans ses choix que son allié.

À Baalbeck-Hermel, le Hezbollah reprend, pour les quatre sièges chiites qu’il brigue, deux de ses députés sortants : l’actuel ministre de l’Industrie Hussein Hajj Hassan et Ali Mokdad. Mais il remplace aussi deux de ses députés sortants, Hussein Moussawi et Nawwar Sahili, par Ibrahim Ali Moussaoui et Ihab Hamadé. Ibrahim Moussawi est le responsable médias du parti et Ihad Hamadé le responsable du Hermel au sein du Hezbollah. Il convient de noter que le Hezbollah n’a cependant pas présenté de candidat pour le siège chiite actuellement occupé par le baassiste Assem Kanso. Ce siège serait réservé à la candidature de l’ancien directeur de la Sûreté générale, Jamil Sayyed.

À Zahlé, où le siège chiite est occupé depuis 2009 par un faucon du courant du Futur, Okab Sakr, le Hezbollah a présenté la candidature d’Anouar Hussein Jomaa, un animateur d’une émission sur la chaîne al-Manar.

À Bint Jbeil, Nabatiyé, Marjeyoun-Hasbaya, le Hezbollah présente sans surprise trois de ses ténors parlementaires, les députés sortants Mohammad Raad, Hassan Fadlallah et Ali Fayyad (chiites).

Il en est de même à Baabda, où c’est le député sortant Ali Ammar (chiite) que Hassan Nasrallah a choisi pour se porter candidat à sa propre succession.

Dans la circonscription de Tyr-Zahrani, un autre des ténors du Hezbollah est candidat à sa propre succession : il s’agit de Nawaf Moussaoui (chiite). Mais le Hezbollah a choisi de remplacer le député sortant Mohammad Fneich, ministre de la Jeunesse et des Sports, par Hussein Saïd Jechi, un ingénieur responsable de la société Waad, le « Solidere chiite » qui a reconstruit la banlieue sud après la guerre de juillet 2006.

À Beyrouth II, c’est Amine Cherri, député de 2005 à 2009, que le Hezbollah a choisi de présenter à l’un des sièges chiites, occupé par Ghazi Youssef. M. Cherri ne s’était pas porté candidat en 2009.

Mais la surprise la plus notable est la candidature d’un responsable du parti, Hussein Mohammad Zeaïter, au siège chiite de la circonscription de Kesrouan-Jbeil. C’est la première fois que le Hezbollah présente un candidat dans cette circonscription sous les couleurs de son parti. Le siège est occupé depuis l’an 2000 par le député sortant Abbas Hachem.

Il convient de signaler que c’est sous le signe de « la séparation nette » des mandats des députés et des ministres après « un bilan de leur action » que Hassan Nasrallah a justifié le fait d’avoir écarté le ministre Fneich de la course électorale. « Mohammad Fneich, que nous proposerons à nouveau à un poste de ministre, ne sera pas candidat aux législatives », a-t-il déclaré.