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Au Kesrouan et à Jbeil, les partis chrétiens, plébiscités, font face au Hezbollah

Au Kesrouan et à Jbeil, les partis chrétiens, plébiscités, font face au Hezbollah
Ziad Hawat, donné grand favori, remplissant hier son devoir électoral à Jbeil.
Mont-Liban I / ReportageLe CPL place la compétition sous le signe de la « fidélité à Michel Aoun ».

Yara ABI AKL |

Comme prévu, la circonscription de Kesrouan-Jbeil a été le théâtre d’une bataille électorale particulièrement féroce, même si elle s’est déroulée dans un climat relativement calme, brisé par quelques incidents ponctuels.
Il est évident que les électeurs de la circonscription (huit sièges à pourvoir : cinq maronites pour le Kesrouan et un chiite et deux maronites pour Jbeil) sont relativement conscients de l’importance de la bataille. C’est en tout cas l’impression qui se dégage de la participation massive des électeurs à la toute première consultation populaire depuis neuf ans.
La bataille au Mont-Liban I revêt une importance certaine. D’autant que le Courant patriotique libre (CPL) a placé le scrutin d’hier sous le signe de la « fidélité à la présidence de Michel Aoun », dans la mesure où le chef de l’État a longtemps représenté la circonscription avant d’accéder à la première magistrature. À cela s’ajoutent des éléments importants. Il s’agit surtout du fait que le général à la retraite Chamel Roukoz (gendre de Michel Aoun) conduit la liste parrainée par le parti de Gebran Bassil, qui fait face à une autre menée par les Forces libanaises (FL), une troisième appuyée par les Kataëb et une dernière rassemblant des composantes de la société civile sous le label Koullouna Watani. Mais il y a, surtout, la liste que le Hezbollah est parvenu à former pour mener son candidat, Hussein Zeaïter (originaire de Baalbeck), au siège chiite de Jbeil.
C’est donc dans cette atmosphère que s’est déroulé le scrutin d’hier, interprété dans certains milieux politiques comme un plébiscite des partis chrétiens, à l’heure où ces formations affichaient une détermination à faire face au Hezbollah.
Conscient de ce fait, le parti de Hassan Nasrallah a déployé de grands efforts pour remporter le siège chiite. Cela se fait particulièrement sentir dans les villages chiites du caza. Ceux-ci ont été décorés de photos regroupant Hassan Nasrallah, le président de la Chambre Nabih Berry et Hussein Zeaïter. L’électorat chiite, lui, ne semble pas avoir besoin de tout ce décor pour se conformer aux directives du chef du Hezbollah. Une jeune femme rencontrée dans un bureau de vote à Ras Osta (localité à majorité chiite) déclare ainsi ouvertement à L’Orient-Le Jour : « Je viens accorder ma voix à Hussein Zeaïter parce que le sayyed nous l’a demandé et que nous nous conformons à ses directives. » Leila Haïdar Ahmad, interrogée par L’OLJ dans un bureau de vote à Almat, un autre village chiite de Jbeil, tente de mettre les points sur les i : « Nous ne sommes pas en train de voter pour une personne, mais pour la ligne politique de la résistance qui nous a protégés à plusieurs reprises », dit-elle. Quant à Hind, elle estime qu’il est très important qu’il y ait un candidat du Hezbollah qui nous représente comme cela se doit à la Chambre.

« Affronter les FL et Hawat »
Pour ce qui est des électeurs chrétiens de Jbeil, notamment les aounistes, ils perçoivent les élections d’hier comme une tentative d’affirmer leur fidélité à Michel Aoun, face aux FL, mais aussi et surtout face à l’ancien président du conseil municipal de Jbeil, Ziad Hawat, candidat à l’un des deux sièges maronites de la localité, avec qui les rapports se sont détériorés. Un cadre CPL interrogé devant un bureau dans la ville de Jbeil déclare ainsi : « Il nous importe surtout de mener à l’hémicycle un bloc parlementaire fort capable d’aider le président de la République à réaliser les projets dont il rêve. Mais nous voulons aussi affronter Ziad Hawat et les FL, qui historiquement n’ont pas de représentation parlementaire à Jbeil. »
Interrogé par L’OLJ, Simon Abiramia, député CPL sortant, insiste lui aussi sur l’importance d’agrandir le bloc de son parti pour « permettre à Michel Aoun de récupérer son poste et ses prérogatives ».
Quant aux sympathisants de Ziad Hawat, ils se félicitent du fait que le jeune candidat représente « une opportunité de changement qu’il faut saisir ». « Je ne partage pas la vision politique de Ziad Hawat, mais je veux voir des députés et des ministres FL dans le nouveau Parlement auquel il faut donner un souffle nouveau », affirme Fadi, rencontré à Qartaba.

Les jurds, fiefs des opposants
À l’instar de la ville de Jbeil, le jurd de ce caza a témoigné de batailles féroces. Mais il convient de souligner que cette région pourrait être considérée comme un important fief des forces politiques hostiles au pouvoir en place. Il s’agit bien entendu des Kataëb et de Farès Souhaid. Si d’aucuns estiment que la présence traditionnelle de M. Souhaid dans cette région joue en sa faveur et rend normale sa candidature à un siège maronite de Jbeil, certains électeurs de Qartaba et de Akoura perçoivent les choses sous un angle strictement politique. À L’OLJ, Assaad Hachem, un partisan de M. Souhaid, et originaire de Akoura, souligne que le candidat qu’il soutient n’a jamais rompu avec les principes souverainistes, avant d’ajouter sans détour : « Si Farès Souhaid ne remporte pas le scrutin, Hussein Zeaïter pourra gouverner la région. »
Tout comme le jurd de Jbeil, le Kesrouan a été le théâtre d’une bataille féroce dans le cadre de laquelle le CPL a dû faire face aussi bien aux FL qu’à l’ancien député Farid Haykal el-Khazen, opposé de longue date à la ligne politique aouniste, et bénéficiant d’un appui populaire et traditionnel incontestable. Cela se fait sentir à Mayrouba et Hrajel (jurd du Kesrouan). « Farid Haykal el-Khazen est le seul capable de nous représenter comme cela se doit. D’autant qu’il s’est toujours trouvé à nos côtés », confie une femme interrogée à Hrajel, alors qu’un habitant du village estime que la bataille « ne se fait pas contre le régime Aoun, ou encore Chamel Roukoz (même s’il nous a été imposé), mais entre des lignes politiques différentes ».
Notons enfin que plusieurs localités du Kesrouan ont connu une bataille âpre, à l’heure où nombre d’électeurs n’ont pas voulu s’exprimer et se plaignaient d’irrégularités liées au vote des personnes âgées et à besoins spéciaux. Les électeurs de Ghosta et d’autres villages de la région se plaignaient aussi du scrutin de listes fermées dicté par la proportionnelle.