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Présidentielle : le feu vert ne s’est pas allumé

Décryptage

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Brusquement et sans préambule, les protagonistes du dialogue ont décidé de s’attaquer aux problèmes de fond, notamment les lacunes dans l’application de l’accord de Taëf. Les mêmes qui ne parviennent pas depuis près de trois ans à s’entendre sur une nouvelle loi électorale et sur la présidence de la République, sans parler de la nouvelle échelle des salaires et plus récemment du traitement des ordures et de la pollution de l’eau, ont soudain décidé de prendre à bras-le-corps tout ce qui n’a pas été appliqué dans l’accord de Taëf depuis son adoption au début des années 90 pour trouver des solutions. Les Libanais qui n’en demandaient pas tant en sont restés bouche bée… et ils le sont encore aujourd’hui. Oubliée la présidence et le partage des parts au sein du pouvoir, oubliées les zizanies communautaires au sujet du département de la Sécurité de l’État, les protagonistes du dialogue ont décidé de revenir à l’idée prévue dans l’accord de Taëf de créer un Sénat qui regrouperait toutes les confessions et serait élu sur la base d’une loi similaire au projet de loi dit grec-orthodoxe (en vertu duquel chaque communauté choisit ses représentants), pour favoriser l’élection d’une Chambre des députés nationale, où la seule règle confessionnelle qui serait respectée est celle de la parité entre chrétiens et musulmans. Par contre, le Liban serait transformé en une seule circonscription et le mode de scrutin serait la proportionnelle totale. Même le camp du 8 Mars, qui a fait de cette formule son cheval de bataille, n’en a pas cru ses oreilles en entendant le camp du 14 Mars se déclarer prêt à accepter cette idée, sachant que la formation du Sénat sur une base confessionnelle permettrait de calmer les appréhensions des différentes communautés, notamment chrétienne, et permettrait de lancer enfin au Liban le concept de citoyenneté qui prévaudrait ainsi à la Chambre basse. S’il est vrai que ces dispositions sont prévues dans l’accord de Taëf, il est aussi vrai que la classe politique au pouvoir depuis cette période, sous la tutelle syrienne puis sans elle, n’a jamais voulu les évoquer. Plus même, lorsque le président de la Chambre, Nabih Berry, a tenté de lancer la commission nationale pour l’abolition du confessionnalisme politique, elle aussi prévue dans l’accord de Taëf, comme prélude à la déconfessionnalisation de la Chambre des députés, un véritable tollé s’est élevé contre lui et il a dû retirer son projet et l’enfoncer dans un des nombreux tiroirs de son bureau à la Chambre.

Trente-cinq ans après son élaboration, le projet du Sénat refait donc surface… mais seulement pour détourner l’attention générale de la priorité sur laquelle tous les protagonistes sont d’accord et qui consiste dans l’élection d’un président de la République. D’ailleurs, quelques heures à peine après la publication du projet de créer le Sénat prévu par Taëf dans la presse, les sources proches de l’ancien Premier ministre Fouad Siniora (qui préside la délégation du bloc du Futur – qui s’est d’ailleurs appelé pendant une certaine période le bloc Liban d’abord, mais c’était une autre époque) ont démenti que ce dernier ait accepté le mode du scrutin proportionnel total en contrepartie de la formation du Sénat sur une base confessionnelle.
Le suspense n’a donc pas duré longtemps et les « discussions sérieuses », selon les propres termes des participants, se sont avérées un moyen inédit d’occuper le temps et de donner l’impression aux rares Libanais, qui croient encore en la capacité de cette classe politique de trouver des solutions, que des efforts sérieux sont déployés.
La conclusion évidente de ces trois jours de débats est que l’heure du compromis au Liban n’a pas encore sonné. Il est clair que chaque camp continue de camper sur ses positions et que nul n’est prêt à faire la moindre concession, ni sur les petits et encore moins sur les grands sujets. Cette fois, l’interprétation est facile et ne souffre plus de contestation : les circonstances régionales et internationales empêchent la conclusion d’un accord politique au Liban et le feu vert pour l’élection d’un président ne s’est pas encore allumé. La bataille d’Alep continue de battre son plein, en dépit de l’échec des trois contre-offensives successives menées par les forces de l’opposition pour desserrer l’étau autour de la ville ; au Yémen, les négociations piétinent et en Irak, la guerre contre Daech se poursuit péniblement. Dans ce contexte incertain, où les bras de fer se poursuivent à plus d’un niveau, les ambitions des Libanais ne peuvent pas dépasser l’espérance d’une stabilité minimale. Après tout, les protagonistes du dialogue doivent craindre bien plus la colère de leurs parrains que celle de leurs citoyens. Surtout qu’avec les projets de loi électoraux qui ont le plus de chances d’être retenus, les dés devraient être jetés à l’avance. Après les résultats des élections municipales, la classe politique préfère désormais jouer en terrain sûr, pour éviter les mauvaises surprises.