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Vers un 14 Mars qui ne dit pas son nom ?

Parallèlement à la polémique suscitée par l’entretien qu’a eu le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, avec son homologue syrien, Walid Moallem, à New York, la semaine dernière, les regards étaient braqués sur l’Arabie saoudite ces derniers jours, au vu des visites concomitantes à Riyad du leader des Forces libanaises, Samir Geagea, et du chef des Kataëb, Samy Gemayel. D’autant que certains ont vu dans ces visites une tentative de raviver l’alliance du 14 Mars.
Répondant à une invitation officielle, MM. Geagea et Gemayel ont eu l’opportunité de s’entretenir, séparément, avec le prince héritier et homme fort du royaume, Mohammad ben Salmane.
Un cadre des Forces libanaises indique à L’Orient-Le Jour que Samir Geagea a profité de son entretien avec le prince héritier saoudien pour insister sur l’importance d’inclure le Liban dans toute solution prévue pour les crises de la région, au lieu de lui en faire subir les conséquences. Dans les mêmes milieux, on fait valoir qu’à travers les invitations adressées à MM. Gemayel et Geagea, en leur qualité de chefs de forces politiques souverainistes, l’Arabie a voulu faire savoir qu’elle a repris son rôle au Liban, et qu’elle fera face aux tentatives de mener le Liban vers l’axe syro-iranien, à la lumière bien entendu du forcing du Hezbollah dans le sens d’une normalisation avec le régime syrien.
Du côté de Saïfi, un proche de Samy Gemayel fait savoir à L’OLJ que « Riyad a voulu se faire une idée de la vision du chef des Kataëb concernant la situation sur la scène locale ». L’Arabie n’est pas satisfaite des derniers développements sur la scène libanaise et voudrait en discuter avec le seul parti rangé aujourd’hui dans le camp de l’opposition, ajoute-t-on de même source.
Ce bilan salué comme positif dans les milieux proches de l’opposition souverainiste fait dire à certains observateurs que le royaume wahhabite œuvre dans le sens d’un renouveau de l’alliance du 14 Mars, qui a longtemps brandi la cause de la liberté, de la souveraineté et de l’indépendance du Liban.
Mais d’autres estiment que, sans qu’il soit question de raviver le 14 Mars, il s’agit simplement de tenter de rétablir l’équilibre politique du pays, à l’heure où le Hezbollah œuvre pour imposer son agenda sur la scène locale. Explicitant ce point de vue, un observateur 14-Marsiste insiste sur le caractère « strictement national » du 14 Mars. « Riyad ne peut intervenir dans les affaires internes de la vie libanaise, encore moins dans les petits détails de la politique politicienne qui marque notre quotidien », dit-il. Il souligne toutefois que la série de rencontres libano-saoudiennes devrait se poursuivre la semaine prochaine.

« Une initiative d’opposition »
Même son de cloche chez Farès Souhaid, fondateur du rassemblement de Saydet el-Jabal. Joint par L’OLJ, il estime que « le 14 Mars est une initiative nationale axée sur l’union des Libanais autour d’un projet. En 2005, celui-ci était le retrait des troupes syriennes du Liban ». « Aujourd’hui, les sujets de discorde entre Libanais sont tellement grands qu’il n’est plus question de 14 Mars », souligne Farès Souhaid, avant de faire état d’un « déséquilibre des rapports de force au Liban, en faveur de l’axe de la “moumanaa”». Il en veut pour preuve le fait que les deux composantes majoritaires du gouvernement, en l’occurrence le CPL et le Futur, sont toujours attachées au compromis politique élargi qui a donné le coup d’envoi au mandat Aoun et permis au cabinet Hariri de voir le jour. « Le Futur estime que la confrontation directe avec le président de la République, Michel Aoun, devrait être ajourné », note-t-il.
Mais l’ancien député de Jbeil insiste, par ailleurs, sur l’importance de créer une « opposition structurée » face à la mainmise exercée par le parti de Hassan Nasrallah sur le pays.
À la faveur de cette logique, Farès Souhaid estime que les rencontres de Samy Gemayel et de Samir Geagea à Riyad sont « une manière d’unifier la lecture politique, en vue de transformer la volonté d’opposition en une initiative d’opposition ».
Selon M. Souhaid, « désormais, le clivage dépasse les alignements du 8 et du 14 Mars. Il est aujourd’hui question de penser à préserver le Liban face au chaos régional ».