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Les Libanais bloqués des heures durant sur les routes à cause d’une démonstration de force pro-Assad

Les Libanais bloqués des heures durant sur les routes à cause d’une démonstration de force pro-Assad

 

Selon les médias officiels syriens, des bureaux de vote ont été ouverts dans 43 ambassades, soit 43 pays. Dans aucun d’eux il n’y a eu une mascarade semblable à celle qui s’est produite hier au Liban, dans les régions de Hazmieh et Baabda.

Les autorités libanaises ne peuvent pas prétendre avoir été débordées ou n’avoir pas pu anticiper la marée humaine syrienne qui a investi hier les voies conduisant à l’ambassade de Syrie, à Baabda, bloquant des milliers de Libanais pendant des heures sur les routes. Et pour cause : l’ambassadeur de Syrie, Ali Abdel Karim Ali, a affirmé à l’Agence nationale d’information qu’« il s’attendait à cette forte affluence parce que le nombre d’électeurs qui se sont inscrits était très élevé ».
Ce qu’il n’a pas dit, cependant, c’est que de nombreux Syriens ont été sommés de se rendre à l’ambassade pour voter, sous peine de représailles, et que le Hezbollah et le Parti syrien national social (PSNS) se sont activés pour organiser ce qui a fini par devenir, au grand dam de l’État et du citoyen libanais, une démonstration de force pro-Assad, lamentable et provocatrice. « On m’a fait comprendre que si je ne me rendais pas pour voter, je ne pourrais plus retourner dans mon pays », raconte ainsi ce jeune chrétien de Syrie, employé dans une boutique à Beyrouth. À l’ambassade de Syrie, raconte-t-il, on lui a fait signer un registre et c’est le fonctionnaire de service qui a glissé à sa place un bulletin dans l’urne. Inutile de préciser que dans ce bureau de vote, l’isoloir n’existe pas.
Dans l’enceinte de l’ambassade, dont la porte principale en fer a cédé sous la pression des électeurs qui se bousculaient, c’est la mêlée. Des femmes et des enfants se sont évanouis et ont dû être secourus par les volontaires de la Croix-Rouge libanaise et la Défense civile.
Chaque électeur devait enregistrer son nom avec sa carte d’identité ou son passeport avant d’entrer dans l’immeuble pour voter, indique Reuters.
Le bulletin présente les photos des trois candidats, avec Bachar el-Assad placé entre ses deux adversaires, l’homme d’affaires Hassan Abdallah al-Nouri et le député Maher Abdel-Hafiz Hajjar, considérés comme des faire-valoir. Les électeurs doivent cocher l’une des cases, mais comme beaucoup n’ont pas de stylo, ils découpent la photo du candidat de leur choix, la placent dans une enveloppe qu’ils glissent dans l’urne.
Dans une usine de Mkallès, ce sont des partisans du Hezbollah qui sont entrés dans l’établissement, tôt hier matin, pour demander aux ouvriers syriens qui y travaillent d’aller élire Bachar el-Assad. Il est évident que tous les Syriens n’ont pas été contraints de se rendre à l’ambassade pour voter à l’avance dans le cadre de la présidentielle, prévue mardi prochain, 3 juin, en Syrie. Nombreux croient en fait que le maintien de Bachar el-Assad au pouvoir est une garantie pour un rétablissement de la stabilité dans leur pays et pour leur retour un jour. « Je vote pour Bachar, j’aime Bachar, c’est le meilleur, bien mieux que tous ceux qui tuent en Syrie », a ainsi affirmé à Mathieu Karam de
lorientlejour.com, Salah, un homme d’une trentaine d’années, résidant au Liban et venu voter en famille. « Il n’y a pas d’alternative à Assad. Il est le seul capable de calmer la situation dans le pays », devait renchérir Ali el-Hariri, un artisan syrien au Liban.

Spectacle provocateur
Selon le ministère syrien des Affaires étrangères, 40 000 personnes sont inscrites sur les listes électorales au Liban. Il y en avait sûrement davantage sur les routes hier.
L’encombrement des routes a commencé à l’aube, bien avant l’ouverture des portes de l’ambassade pour le vote, à 7h. Tout le périmètre de Baabda était bloqué, de Dahr el-Baïdar jusqu’au secteur dit de la Galerie Semaan, dans la banlieue sud. Selon la Future TV, les électeurs venaient principalement de Baalbeck-Hermel, de Bourj Hammoud et de la banlieue sud de Beyrouth. À la mi-journée, écrit Mathieu Karam, « un véritable goulet d’étranglement s’était formé au niveau du ministère de la Défense, à Baabda, les forces de sécurité ne laissant passer les Syriens qu’au compte-gouttes vers l’ambassade de Syrie, située à quelques centaines de mètres. Des échauffourées ont éclaté entre les électeurs syriens et les forces de l’ordre qui ont aspergé la foule d’eau ».
Du coup, des milliers de Libanais ont été bloqués pendant des heures sur les routes : des étudiants devant passer leur bac français n’ont pas pu atteindre les lieux d’examen, les élèves de la région n’ont pas pu gagner leurs écoles et des employés n’ont pas pu arriver à leurs bureaux, prisonniers de routes envahies par une foule immense, venue à bord de pullmans, de vans, de voitures et de motos, brandissant des portraits du président syrien, des drapeaux syriens ainsi que les fanions jaunes du Hezbollah. Quelques-uns brandissaient les drapeaux du PSNS.
Beaucoup scandaient des slogans pro-Assad, du genre : « Par notre âme et notre sang, nous nous sacrifions pour toi » ou « Dieu, la Syrie et Bachar seulement ». « Bachar el-Assad est la couronne de la patrie », « le lion des Arabes », pouvait-on aussi lire sur les portraits du président syrien. Un spectacle on ne peut plus provocateur pour un grand nombre de Libanais, qui n’ont pas caché leur exaspération, en sommant carrément les pro-Assad de rentrer chez eux défendre « leur président bien-aimé, s’ils sont tellement attachés à lui ». Dans le secteur de Jisr el-Bacha, des jeunes sur une mobylette se sont rués sur un van syrien pour déchirer les portraits du président syrien, collés sur les parois.
Autour de Yarzé, l’armée a multiplié les contrôles aux nombreux barrages installés dans le secteur, confisquant tout ce qui peut être utilisé dans d’éventuelles bagarres, comme les tiges en bois des drapeaux.
La télévision syrienne a interrompu à plusieurs reprises ses programmes pour diffuser des émissions en direct de Beyrouth, en parlant de « plébiscite ». Un plébiscite savamment organisé par le Hezbollah qui a aménagé des points de rassemblement aux Syriens dans les zones qu’il contrôle, comme la banlieue sud, secondé par les partisans du PSNS qui se sont employés à mobiliser les Syriens et les Libanais pour gonfler le nombre des participants à ce qu’ils voulaient manifestement être une démonstration de force.
Selon une source de sécurité citée par nowlebanon, le Hezbollah s’est occupé de toute la logistique électorale. Toujours selon la même source, près de 50 % des Syriens qui ont afflué à la chancellerie sont des mineurs qui n’ont pas le droit de voter mais dont la présence était nécessaire pour « le plébiscite » souhaité. « Ces élections sont une réponse à tous ceux qui ont parié sur la chute de la Syrie. Cela démontre que le peuple syrien est attaché à sa terre, à sa patrie et à sa souveraineté », a déclaré à la télévision syrienne Ali Abdel Karim Ali, avant de présenter ses excuses en soirée au peuple libanais pour « le dérangement » provoqué dans la matinée et qui risque de se reproduire aujourd’hui, puisque la chancellerie a décidé, tout comme hier, de prolonger la durée du vote jusqu’à ce soir à minuit.

Conseils routiers
Alors que le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, s’est terré dans un silence absolu, la Direction des FSI s’est contentée en soirée de publier un communiqué dans lequel elle invite les Libanais à éviter le périmètre de Yarzé et l’autoroute de Damas dans les deux sens. Les FSI conseillent aux citoyens d’emprunter, « en cas de besoin, les routes de Barouk-Moultaka al-Nahrayne, Souk el-Gharb-Choueifate et Dhour Choueir-Monteverde ».